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La chambre du diable

La chambre du diable

Titel: La chambre du diable
Autoren: Paul Harding
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lui. La douleur était si
vive qu’il perdait parfois conscience. Il était en sa demeure, fenêtres
ouvertes, et les parfums du jardin envahissaient sa chambre. Il entendait les
voix des serviteurs et les cris de ses fils qui jouaient dans la cour, en bas. Serriem
rouvrit les yeux. Rien ! Si ce n’est un calme oppressant. Il tenta à
nouveau de bouger mais c’était comme si le plancher vacillait sous lui et il
replongea dans le passé.
    Il se trouvait à bord du St Sulpice toutes
voiles dehors. À la barre, en compagnie du capitaine, il regardait la proue
plonger et se redresser pendant qu’ils se hâtaient de regagner le port, fuyant
les quatre cogghes de guerre anglaises qui les poursuivaient, impitoyables
comme des limiers courant un daim. Serriem sentit la bile lui remonter dans la
gorge. Ces dernières semaines, il avait, avec les autres captifs, débattu de la
façon dont le St Sulpice et son bateau frère, le St Denis , avaient
pris position sur les routes maritimes de Calais, avides de s’emparer des
navires anglais aux riches cargaisons de vin. Serriem gémit : tout s’était
mal passé ! Les naves s’étaient révélées être deux vaisseaux de guerre et,
quand le St Sulpice et le St Denis avaient fait demi-tour, deux
autres les attendaient à l’horizon. La course avait été forcenée et la bataille
qui s’était ensuivie sanglante et sans merci. Le St Denis avait été pris
et coulé. Le St Sulpice, dont l’équipage avait été décimé par les
archers massés à la poupe et à la proue du navire amiral anglais, avait été
pris au piège et abordé. Un furieux combat corps à corps avait eu lieu mais, en
fin de compte, pour sauver ses hommes, Serriem avait ordonné qu’on amène l’oriflamme
et s’était rendu au capitaine anglais. Comment s’appelait-il déjà, ce jeune
homme au visage d’enfant et aux cheveux coupés ras ? Ah oui, Maurice
Maltravers. Le corps de Serriem s’arqua sous la douleur et ses mains
agrippèrent la jonchée malpropre.
    Il avait d’abord attribué la défaite aux infortunes de
la guerre. Pourtant, ces dernières semaines, lui et ses compagnons s’étaient
interrogés : pourquoi les bateaux anglais connaissaient-ils précisément l’emplacement
du St Sulpice et du St Denis  ? Traîtrise ? Trahison ?
La tête de Serriem roula sur le côté. Il implora du regard l’austère crucifix
noir cloué sur le mur chaulé. Il aurait aimé qu’un prêtre l’absolve. Il se
serait confessé. Il y eut un bruit de pas à l’extérieur.
    –  Aidez-moi 3  !
geignit-il.
    Les pas s’éloignèrent. Serriem se demanda de quel
poison il s’agissait. Il avait mangé la même chose que les autres. Les avait-on
tous supprimés ? Avait-on soufflé leur vie comme une rangée de chandelles
dans une église déserte ? Ne s’étaient-ils pas tous accordés pour se
montrer très prudents ? Il se retourna derechef vers la croix. Il tenta de
lever la main pour essuyer son visage baigné de sueur mais même ce geste était
impossible. Ses lèvres commencèrent à réciter «  Confiteor Deo Omni Potenti  »,
« Je confesse à Dieu tout-puissant, à Marie toujours vierge… ». Haletant,
il ne put prononcer les mots. Serriem se rappela monsieur Charles de Fontanel, l’envoyé
français à Londres.
    – Vengez-moi ! chuchota-t-il.
    La douleur, dans son ventre, se fit plus vive. Il ne
pouvait plus respirer. Quelque chose lui bloquait la gorge comme si un nœud
coulant se resserrait autour de son cou. Des saccades agitèrent son corps, ses
jambes battirent l’air et il mourut, son regard vide toujours posé sur le
crucifix au mur.
    Sir Maurice Maltravers, chevalier banneret de la
maisnie de Jean de Gand, attendait dans l’ombre de l’église des frères
augustins. Il apercevait, au loin, l’auberge de L’Abbé de St Alban et, le
long du sentier, la route principale menant à Cheapside.
    Vétusté, l’église des frères augustins tombait en
ruine. Depuis longtemps, l’huis en était barré et verrouillé et nul cierge ne
brillait à ses fenêtres. Il faisait nuit ; période de ténèbres où secret
et subterfuge régnaient en maître. Sir Maurice en était fort marri : c’était
un chevalier, un combattant. Il se remémora les paroles de l’Évangile précisant
que les hommes d’honneur devaient agir en pleine lumière et non se glisser dans
le noir comme des félons ou des larrons. Mais comment aurait-il pu intervenir
autrement ?
    Sir Maurice fit un pas
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