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Inconnu à cette adresse

Inconnu à cette adresse

Titel: Inconnu à cette adresse
Autoren: Kathrine Kressmann Taylor
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vallées, nos muscles durs
vibrent, impatients de s’atteler à un nouveau labeur ;
et nos montagnes résonnent des voix de Wotan et de Thor, les
anciens dieux de la race germanique.
    Mais non… Tout en
t’écrivant, et en me laissant aller à
l’enthousiasme suscité par ces visions si neuves, je me
dis que tu ne comprendrais pas à quel point tout cela est
nécessaire pour l’Allemagne. Tu ne t’attacheras,
je le sais, qu’aux ennuis de ton propre peuple. Tu refuseras de
concevoir que quelques uns doivent souffrir pour que des millions
soient sauvés. Tu seras avant tout un juif qui pleurniche sur
son peuple. Cela, je l’admets. C’est conforme au
caractère sémite. Vous vous lamentez mais vous n’êtes
pas assez courageux pour vous battre en retour. C’est pourquoi
il y a des pogroms.
    Hélas, Max, tout cela
va te blesser, je le sais, mais tu dois accepter la vérité.
Parfois, un mouvement est plus important que les hommes qui
l’initient. Pour ma part, j’y adhère corps et âme.
Heinrich est officier dans un corps de jeunesse, sous les ordres du
baron Von Freische. Le nom de ce dernier rehausse encore notre maison
car il rend souvent visite à Heinrich et à Elsa, qu’il
admire beaucoup. Quant à moi, je suis débordé de
travail. Elsa ne s’intéresse guère à la
politique ; elle se contente d’adorer notre noble Chef.
Elle se fatigue vite, ce dernier mois. Cela peut signifier que le
bébé arrivera plus tôt que prévu. Ce sera
mieux pour elle quand le dernier de nos enfants sera né.
    Je regrette qu’on
doive mettre ainsi fin à notre correspondance, Max. Il n’est
pas exclu que nous nous retrouvions un jour, sur un terrain où
nous pourrons développer une meilleure compréhension
mutuelle.

    Cordialement Martin
Schulse

Lettre
7

    SAN
FRANCISCO, CALIFORNIE, USA

    Le 1 er août
1933

    Martin Schulse
    (aux bons soins de J.
Lederer)
    Schloss Rantzenburg,
    Munich, ALLEMAGNE

    Mon cher Martin,

    Je confie cette missive à
Jimmy Lederer, qui doit brièvement séjourner à
Munich lors de ses vacances européennes. Je ne trouve plus le
repos après la lettre que tu m’as envoyée. Elle
te ressemble si peu que je ne peux attribuer son contenu qu’à
ta peur de la censure. L’homme que j’ai aimé comme
un frère, dont le cœur a toujours débordé
d’affection et d’amitié, ne peut pas s’associer,
même passivement, au massacre de gens innocents. Je garde
confiance en toi, et je prie pour que mon hypothèse soit la
bonne ; il te suffit de me le confirmer par lettre par un simple
« oui », à l’exclusion de tout
autre commentaire qui serait dangereux pour toi. Cela me convaincra
que tu joues le jeu de l’opportunisme mais que tes sentiments
profonds n’ont pas changé ; que je ne me suis pas
leurré en te considérant comme un esprit libéral
et droit, pour qui le mal est le mal, en quelque nom qu’on le
commette.
    Cette censure, ces
persécutions de tous les esprits libres, ces bibliothèques
incendiées et cette corruption des universités
susciteraient ton antagonisme même si on ne levait pas le petit
doigt contre ceux de ma race. Tu es un libéral, Martin. Tu
vois les choses à long terme. Je sais que tu ne peux pas te
laisser entraîner dans cette folie par un mouvement populaire
qui, aussi fort soit-il, est foncièrement meurtrier.
    Je peux comprendre pourquoi
les Allemands acclament Hitler. Ils réagissent contre les
injustices qu’ils ont subies depuis la fin de cette guerre
désastreuse. Mais toi, Martin, tu es pratiquement devenu un
Américain durant cette période. Je suis convaincu que
ce n’est pas mon ami qui m’a écrit cette lettre,
et que tu vas me le prouver.
    J’attends ce seul mot,
ce « oui » qui rendra la paix à mon
cœur. Écris-le vite.

    Mes amitiés à
vous tous
    Max

Lettre
8

    DEUTSCH-VOELKISCHE
BANK UND HANDELSGESELLSCHAFT,
    MUNICH,
ALLEMAGNE

    Le 18 août 1933

    Mr Max Eisenstein
    Galerie Schulse-Eisenstein
    San Francisco,
    Californie, USA

    Cher Max,

    On m’a remis ta
lettre. La réponse est « non ». Tu es un
sentimental. Tu ignores que les hommes ne sont pas tous faits sur
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