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Inconnu à cette adresse

Inconnu à cette adresse

Titel: Inconnu à cette adresse
Autoren: Kathrine Kressmann Taylor
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Taylor

    Inconnu à cette
adresse

    Traduit de l’anglais
(américain)
    par Michèle
Lévy-Bram
    postfacé par Whit
Burnett

    Ã‰ditions Autrement

Lettre
1

    GALERIE
SCHULSE-EISENSTEIN, SAN FRANCISCO,
    CALIFORNIE,
USA

    Le 12 novembre 1932

    Herrn Martin Schulse
    Schloss Rantzenburg
    Munich, ALLEMAGNE

    Mon cher Martin,

    Te voilà de retour en
Allemagne. Comme je t’envie… Je n’ai pas revu ce
pays depuis mes années d’étudiant, mais le charme
d' Unter den
Linden agit encore sur moi, tout comme la largeur de vues, la liberté
intellectuelle, les discussions, la musique, la camaraderie enjouée
que j’ai connues là-bas. Et voilà que maintenant
on en a même fini avec l’esprit hobereau, l’arrogance
prussienne et le militarisme. C’est une Allemagne démocratique
que tu retrouves, une terre de culture où une magnifique
liberté politique est en train de s’instaurer. Il y fera
bon vivre.

    Ta nouvelle adresse a fait
grosse impression sur moi, et je me réjouis que la traversée
ait été si agréable pour Elsa et les rejetons.
    Personnellement, je ne suis
pas aussi heureux que toi. Le dimanche matin, je me sens désormais
bien seul. Un pauvre célibataire sans but dans la vie.
    Mon dimanche américain,
c’est maintenant au-delà des vastes mers que je le passe
en pensée. Je revois la grande vieille maison sur la colline,
la chaleur de ton accueil, une journée que nous ne passons pas
ensemble est toujours incomplète, m’assurais-tu. Et
notre chère Elsa, si gaie, qui accourait vers moi, radieuse,
en s’écriant : « Max, Max ! »,
puis me prenait la main pour m’entraîner à
l’intérieur et déboucher une bouteille de mon
schnaps favori.
    Et vos merveilleux garçons,
surtout ton Heinrich, si beau… Quand je le reverrai, il sera
déjà un homme.
    Et le dîner…
Puis-je espérer manger un jour comme j’ai mangé
là-bas ? Maintenant, je vais au restaurant et, devant mon
rosbif solitaire, j’ai des visions de Gebackener
Schinken ,
cet exquis jambon en brioche fumant dans sa sauce au vin de
Bourgogne ; et de Spitzle ,
ah ! ces fines pâtes fraîches ; et de Spargeel ,
ces asperges incomparables. Non, décidément, je ne me
réconcilierai jamais avec mon régime américain.
Et les vins, si précautionneusement déchargés
des bateaux allemands, et les toasts que nous avons portés en
levant nos verres pleins à ras bord pour la quatrième,
la cinquième, la sixième fois…
    Naturellement, tu as bien
fait de partir. Malgré ton succès ici, tu n’es
jamais devenu américain ; et maintenant que notre affaire
est si prospère, tu te devais de ramener tes robustes fils
dans leur patrie pour qu’ils y soient éduqués.
Quant à Elsa, sa famille a dû lui manquer toutes ces
longues années ; ses proches seront également
contents de te voir, j’en suis sûr. Le jeune artiste
impécunieux de naguère devenu le bienfaiteur de la
famille, voilà un petit triomphe que tu savoureras
modestement, je le sais.
    Les affaires sont toujours
bonnes. Madame Levine a acheté le petit Picasso au prix que
nous demandions, ce dont je me félicite ; je laisse
lentement venir la vieille Madame Fleshman à l’idée
d’acquérir la hideuse madone. Personne ne se soucie de
lui dire que telle ou telle pièce de sa collection est
mauvaise parce que toutes le sont. Il n’empêche que je
n’ai pas ton merveilleux savoir-faire pour vendre à des
matrones juives. Je suis capable de les persuader de l’excellence
d’un investissement mais toi seul avais, concernant une œuvre
d’art, l’approche spirituelle de nature à les
désarmer. De plus, elles n’ont sans doute pas vraiment
confiance en un autre juif.
    J’ai reçu hier
une charmante lettre de Griselle. Elle me dit qu’il s’en
faut de peu pour que je devienne fier de ma petite sœur. Elle a
le rôle principal dans une nouvelle pièce qu’on
joue à Vienne, et les critiques sont excellentes ; les
années décourageantes qu’elle a passées
avec de petites compagnies commencent à porter leurs fruits.
Pauvre enfant, ça n’a pas été
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