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Il était une fois le Titanic

Il était une fois le Titanic

Titel: Il était une fois le Titanic
Autoren: G.A. Jaeger
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sur nos lignes en prévenant ses exigences.
    Il sentait que l’affaire progressait dans l’esprit de son partenaire et que, de guerre lasse, il se laisserait convaincre.
    Le directeur de la White Star Line acquiesça ; ce n’avait jamais été sa politique de pointer au tableau d’honneur d’un quelconque record, encore moins du Ruban bleu 15 . Ses concurrents britanniques, allemands et français se dis-putaient
cet orgueil depuis l’utilisation de la vapeur dans la marine marchande, mais Joseph Ismay n’avait jamais prêté grande importance à cette compétition-là. La régularité des traversées primait à ses yeux sur la course de vitesse, la dignité du passager sur la rentabilité sans concession telle que l’appliquaient certaines compagnies.
    Au cours du demi-siècle passé, on s’était couramment plaint de l’inconfort des navires. Mais c’était le transport des immigrants que négligeaient plus volontiers les armateurs. Robert Louis Stevenson écrivait à propos du Devonia , propriété de l’Anchor Line : « Dans l’entrepont, il y a des hommes et des femmes, alors que dans les cabines de première et deuxième classe les passagers sont des dames et des messieurs 16  ! » C’était l’époque où le Congrès américain déclarait, dans un rapport sur la salubrité des navires, que tout y était sale et suscitait le dégoût. Cinquante ans plus tard, les entreponts de triste mémoire où croupissaient les pauvres gens attirés par les sirènes du Nouveau Monde, étaient remplacés par des locaux plus sains, propres et aérés, bien que l’on continuât de s’entasser dans des dortoirs.
    Si les choses avaient considérablement évolué au début du XX e  siècle, cette lecture politique du commerce migratoire n’en restait pas moins popularisée par de nombreux auteurs, confortés par l’imagerie. À la suite de Charlie Chaplin 17 , ils n’auraient de cesse que de l’utiliser à des fins de propagande contre les armateurs. Ainsi en 1906, sous la plume d’Edward Steiner, où l’on peut lire que les émigrants continuent de faire la fortune des compagnies maritimes qui se partagent l’Europe des laissés-pour-compte : « Toujours situé au-dessus des vibrations des machines », le voyageur de troisième classe est bercé « par le vacarme saccadé de la ferraille en mouvement et le grincement des amarres ».
Quant au logement qu’on lui a réservé, dit-il, auquel on accède « par un escalier étroit aux marches visqueuses et glissantes », il renferme « une masse humaine, des couchettes nauséabondes et des toilettes rebutantes ». L’auteur y recense un assemblage suspect d’odeurs hétéroclites, distillées notamment par « une nourriture médiocre apportée dans d’énormes bidons et servie dans des gamelles 18  ».
    En réalité, la troisième classe des principales compagnies offrait à ses passagers d’infortune des conditions de voyage qui s’étaient nettement améliorées depuis les décennies précédentes. Mais ce que le baron Pirrie proposait maintenant à la White Star n’avait jamais été envisagé par aucun armateur. Si les effets de la concurrence et du tarissement provisoire de l’immigration conduisaient à choyer les émigrants, le désir de se singulariser, de rompre définitivement avec l’image de négrier qui collait à la peau des armateurs européens nourrissait son ambition.
    Les prévisions en matière d’émigration vers les États-Unis se chiffraient, au départ des ports européens, à un million sept cent mille candidats entre 1911 et 1912, date à laquelle les deux premiers navires projetés par Pirrie seraient en service.
    — Les recettes de l’immigration ne suffisant pas à l’équilibre de nos comptes, j’ai pensé qu’une amélioration du confort général n’allait pas sans un réaménagement des première et deuxième classe, renchérit James Pirrie, de manière à nous attirer les voyageurs les plus aisés, les plus exigeants et les mieux disposés à louer nos services. Même s’il ne s’agit pas des catégories les plus rentables, car leur nombre est forcément restreint. Mais cette clientèle aisée, de plus en plus exigeante, est devenue regardante sur son confort et n’hésite plus à comparer les services offerts par la concurrence.

    Joseph Ismay, qui ambitionnait de faire du pavillon rouge et blanc de la White Star Line une référence en matière de transport maritime, se félicita donc de
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