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Il était une fois le Titanic

Il était une fois le Titanic

Titel: Il était une fois le Titanic
Autoren: G.A. Jaeger
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forcée.
    L’époque était à l’inventivité, à la hardiesse des pionniers dans tous les secteurs de la technologie. « L’obstiné génie de l’homme peut tout tenter, tout vaincre et tout chercher  », pouvait-on lire dans Le Petit Parisien 7 . La navigation se développait en faisant front à la critique. Offrant
un extraordinaire champ d’expériences pour la science et la technique, le transport maritime s’était considérablement accru au cours du demi-siècle écoulé, au point que neuf millions de passagers avaient déjà traversé l’Atlantique grâce à sa modernisation. Ce succès avait libéré les ambitions des compagnies. Et, par conséquent, l’inventivité des constructeurs.
    William James Pirrie, héritier de la révolution industrielle, était partisan convaincu de la politique de rupture conduite par le roi Édouard VII contre la société victorienne qu’il jugeait figée dans ses certitudes, incapable de se renouveler.
    S’extrayant de son fauteuil, le baron tira une montre en or de la poche de son gilet. Joseph Ismay n’allait pas tarder. Il était 22 heures précises lorsqu’une voiture s’arrêta devant le perron de Downshire House. Pirrie reconnut le pas de son associé dans le vestibule. La nuit venait à peine de tomber sur Londres. Quelques instants plus tard, les deux hommes traversaient la maison pour se rendre dans le jardin qu’ils arpentèrent en évoquant la situation économique.
    — Vous avez dîné, sans doute ? lui dit Pirrie d’un air distrait.
    Son visiteur le remercia. Et l’intermède fut clos.
    — Nous ne pouvons rester sans réaction devant le défi que nous oppose lord Inverclyde avec la renommée de sa flotte, assena lord Pirrie en proposant de regagner la maison.
    Dans le grand salon Chesterfield, les lumières électriques que l’on venait d’allumer faisaient miroiter le bois de rose des lambris. Joseph Ismay, qui ne manquait jamais une occasion de vilipender la Cunard, s’offrit aussitôt une violente diatribe contre les subventions que lui accordait généreusement le gouvernement britannique.
    — Une manne qui la met artificiellement à l’abri des aléas du commerce maritime et de la concurrence ! dit-il en choisissant un cigare dans la boîte que lui tendait son hôte.
    Il le fit rouler dans ses doigts, puis il le glissa dans sa redingote avec un geste presque solennel.
    Quatre ans plus tôt, un prêt de 2,6 millions de livres avait été consenti par Londres au conseil d’administration de la Cunard Line pour la construction de ses deux nouveaux liners 8 , au taux préférentiel de 2,5 %.
    — Ce n’est pas la première fois que lord Inverclyde bénéfice des largesses du gouvernement, souligna calmement James Pirrie.
    — Sans compter l’annuité de 150 000 livres que lui octroie l’Amirauté, ajouta Joseph Ismay, que cette mansuétude ne laissait pas d’irriter.
    Pirrie lui rappela qu’ayant été rachetée par le milliardaire américain John Pierpont Morgan, fondateur de l’International Mercantile Marine Corporation, la Star n’avait plus à quémander les deniers publics pour se financer. Mais la charge en règle contre la concurrence était une lancinante habitude pour Joseph Ismay, presque un mode de pensée.
    En 1902, le riche conglomérat d’armements et d’affrètement américain que dirigeait Pierpont Morgan avait acquis la White Star Line pour 10 millions de livres, soit le double de sa valeur boursière de l’époque. Elle était alors très rentable car, en nombre de passagers, elle faisait partie des principaux transporteurs du trust 9 . Pour conserver ce rang au sein de l’International Mercantile Marine, la Star se devait d’être à la pointe des flottes européennes sur le marché transatlantique. Et, pour ce faire, il fallait être dynamique, innovant et sans complexe devant la concurrence. Ce qu’était précisément lord Pirrie.
    — Je suis impatient de vous révéler la nature de notre entretien de ce soir, lui dit à ce propos le vieux baron.
    Dans la nuit claire, les arbres centenaires étendaient leurs ombres entrelacées. Invitant son hôte à le suivre,
le baron quitta le salon. Ismay, qui connaissait intimement le président Pirrie, lui emboîta le pas jusqu’à son cabinet de travail en se demandant quelle nouvelle politique il allait tenter de lui imposer.
    Les fenêtres étaient occultées par de lourdes tentures. Sur le bureau, éclairés par une lampe à pétrole, se trouvaient deux
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