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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
Autoren: Émile Bréhier
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philosophie ; Diogène Laërce, dans la préface de ses Vies des Philosophes nous parle de l’antiquité fabuleuse de la philosophie chez les Perses et chez les Égyptiens. Ainsi, dès l’antiquité, les deux thèses s’affrontent : la philosophie est-elle une invention des Grecs ou un héritage qu’ils ont reçu des « Barbares  » ?
    Il semble que les orientalistes, à mesure qu’ils nous dévoilent les civilisations préhelléniques, comme les civilisations mésopotamienne et égyptienne avec lesquelles les cités de l’Ionie, berceau de la philosophie grecque, ont été en contact, donnent raison à la seconde de ces thèses. Il est impossible de ne pas sentir la parenté de pensée qu’il y a entre la thèse connue du premier philosophe grec, Thalès, que toutes choses sont faites d’eau, et le début du Poème de la Création , écrit bien des siècles auparavant en Mésopotamie : « Lorsqu’en haut le ciel n’était pas nommé, et qu’en bas la terre n’avait point de nom, de l’Apsou primordial, leur père, et de la tumultueuse Tiamat, leur mère à tous, les eaux se confondaient en un [2]. » De pareils textes suffisent au moins pour nous faire voir que Thalès n’a p.4 pas été l’inventeur d’une cosmogonie originale ; les images cosmogoniques, que, peut-être, il précisa, existaient depuis de longs siècles. Nous pressentons que la philosophie des premiers physiologues de l’Ionie pouvait être une forme nouvelle d’un thème extrêmement ancien.
    Les recherches les plus récentes sur l’histoire des mathématiques ont amené à une conclusion analogue. Dès 1910, G. Milhaud écrivait : « Les matériaux accumulés en mathématiques par les Orientaux et les Égyptiens étaient décidément plus importants et plus riches qu’on ne le soupçonnait encore généralement il y a une dizaine d’années [3]. ».
    Enfin les travaux des anthropologistes sur les sociétés inférieures introduisent de nouvelles données qui compliquent encore le problème de l’origine de la philosophie. On trouve, en effet, dans la philosophie grecque, des traits intellectuels qui n’ont leur analogie que dans une mentalité primitive. Les notions qu’emploient les premiers philosophes, celles de destin, de justice, d’âme, de dieu, ne sont pas des notions qu’ils ont créées ni élaborées eux-mêmes, ce sont des idées populaires, des représentations collectives qu’ils ont trouvées. Ce sont, semble-t-il, ces notions qui leur servent deschémas ou de catégories pour concevoir la nature extérieure. L’idée que les physiologues ioniens se font de l’ordre de la nature, comme d’un groupement régulier d’êtres ou de forces auxquels la destinée souveraine impose leur limite est due au transport de l’ordre social dans le monde extérieur ; la philosophie n’est peut-être, à son origine, qu’une sorte de vaste métaphore sociale. Des faits aussi étranges que le symbolisme numérique des Pythagoriciens qui admettent que « tout est nombre » s’expliqueraient par cette forme de pensée qu’un philosophe allemand appelait récemment la « pensée morphologico-structurale » des primitifs et qu’il opposait à la pensée fonctionnelle p.5 fondée sur le principe de causalité ; comme la peuplade nord-américaine des Zunis fait correspondre à la division de leur race en sept parties, la division en sept du village, des régions du monde, des éléments, du temps, ainsi les Pythagoriciens ou même Platon dans le Timée inventent continuellement des correspondances numériques du même ordre [4]. La ressemblance affirmée dans le Timée entre les intervalles des planètes et l’échelle musicale nous paraît complètement arbitraire et la logique nous en échappe tout autant que celle de la participation , étudiée par M. Lévy-Bruhl dans ses travaux sur la mentalité primitive.
    S’il en est ainsi, les premiers systèmes philosophiques des Grecs ne seraient nullement primitifs ; ils ne seraient que la forme élaborée d’une pensée bien plus ancienne. C’est sans doute dans cette mentalité qu’il faudrait rechercher l’origine véritable de la pensée philosophique ou du moins d’un de ses aspects [5]. A. Comte n’avait pas tort en voyant dans ce qu’il appelait le fétichisme la racine de la représentation philosophique de l’univers ; maintenant que, par le folklore et les études sur les peuples non civilisés, on a une connaissance plus
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