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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
Autoren: Émile Bréhier
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nuances différentes, par exemple, dans le sens du fameux : Connais-toi toi même ! chez Socrate, la connaissance de soi signifie l’examen dialectique et la mise à l’épreuve de ses opinions propres ; chez Saint-Augustin, elle est un moyen d’atteindre la connaissance de Dieu par l’image de la Trinité que nous trouvons en nous ; chez Descartes, elle est comme un apprentissage de la certitude ; dans les Upanishads de l’Inde, elle est la connaissance de l’identité du moi et du principe universel. Comment donc saisir cette notion et lui donner un sens, indépendamment des fins pour lesquelles on l’utilise ?
    Une des plus grosses difficultés que l’on puisse opposer à l’idée d’une histoire abstraite des systèmes, c’est le fait que l’on pourrait appeler le déplacement de niveau des doctrines. Pour en donner un exemple saillant, songeons aux ardentes polémiques, continuées durant des siècles, sur les limites des domaines de la foi et de la raison. On pourrait trouver bien des doctrines données à un certain moment comme de foi révélée et considérées à d’autres comme une doctrine de raison. La sécheresse et la pauvreté de la philosophie proprement dite dans le haut moyen âge sont compensées par les trésors de vie spirituelle qui, de la philosophie païenne, sont passés dans les écrits théologiques de saint Ambroise et de saint Augustin. L’affirmation de l’immatérialité de l’âme, qui chez Descartes est rationnellement prouvée, est pour Locke une vérité de foi. Quoi de plus frappant que la transposition que Spinoza a fait subir à la notion religieuse de vie éternelle, en l’interprétant par des notions inspirées du cartésianisme ! De ces faits que l’on pourrait aisément multiplier, il résulte que l’on ne p.11 caractérise pas suffisamment une philosophie en indiquant les doctrines qu’elle soutient ; il importe bien plus de voir dans quel esprit elle les soutient, à quel régime mental elle appartient.
    C’est dire que la philosophie ne saurait être scindée du reste de la vie spirituelle, qui s’exprime encore par les sciences, la religion, l’art, la vie morale ou sociale. Le philosophe tient compte de toutes les valeurs spirituelles de son temps pour les approuver, les critiquer ou les transformer. Il n’y a pas de philosophie, là où il n’y a pas un effort pour ordonner hiérarchiquement les valeurs.
    Ce sera donc une préoccupation constante de l’historien de la philosophie de rester en contact avec l’histoire politique générale et l’histoire de toutes les disciplines de l’esprit, bien loin de vouloir isoler la philosophie comme une technique séparée des autres.
    Seulement ces rapports avec les autres disciplines spirituelles ne sont nullement uniformes et invariables, mais se présentent de manière fort différente selon les époques et les penseurs. La spéculation philosophique peut être ordonnée tantôt à la vie religieuse, tantôt aux sciences positives, tantôt à la politique et à la morale, quelquefois à l’art. Il est des moments où prédomine le rôle d’une de ces disciplines, tandis que les autres s’effacent presque ; ainsi, au cours de l’antiquité classique, nous assistons, en gros, à une décroissance graduelle du rôle des sciences, accompagnée par la croissance du rôle de la religion : tandis que, à l’époque de Platon, l’évolution des mathématiques a un intérêt tout particulier pour l’historien, ce sera, à l’époque de Plotin, l’invasion des religions orientales du salut qui devra appeler l’attention ; c’est à ce moment que nous devrons nous poser le problème, encore si difficile à résoudre, de l’influence propre du christianisme sur la philosophie. L’époque actuelle voit, autour de la philosophie, une lutte d’influence assez âpre pour que cette méditation sur le passé ne soit pas tout à fait inutile.
     
    III
     
    p.12 Il est un troisième problème, sur lequel l’historien de la philosophie est manifestement obligé de prendre position. La philosophie a-t-elle une loi de développement, ou la succession des systèmes est-elle contingente et dépendant du hasard des tempéraments individuels ? Cette question est entre toutes importante ; l’histoire de la philosophie a, derrière elle, un long passé, qui pèse lourdement sur elle ; elle a, particulièrement sur le point qui nous occupe, des traditions auxquelles il est rare qu’elle ne
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