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Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique

Titel: Histoire de la philosophie. Tome I, L'Antiquité et le Moyen Âge. I. Période hellénique
Autoren: Émile Bréhier
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un mot, l’histoire de la philosophie est l’histoire d’une décadence graduelle et continue de l’esprit humain ; de cette décadence la preuve est le nombre des sectes qui ont remplacé l’unité originelle. La pensée grecque, en particulier, n’est ni un point de départ, ni un progrès ; la fantaisie individuelle, en se donnant libre cours, a décidément presque détruit ce que gardaient encore de vérité les traditions orientales. Les Grecs n’ont pas du tout, on le voit, dans ces vieilles p.17 histoires de la philosophie, la place et la valeur qu’ils prendront plus tard. Cette critique des Grecs provient des pères de l’Église ; presque tous les philosophes du XVIII e siècle, Voltaire en particulier, qui ne cesse de railler Platon, adhèrent pleinement au vieux préjugé. Mais il y a plus ; on apporte les mêmes préventions à l’égard de la philosophie moderne ; c’est le fond du Traité des systèmes de Condillac (1749) ; tous les systèmes philosophiques sont le fruit de l’« imagination ». « Un philosophe rêve facilement. Combien de systèmes n’a-t-on pas faits ? Combien n’en fera-t-on pas encore ? Si du moins on en trouvait un qui fût reçu à peu près uniformément par tous ses partisans ! Mais quel fonds a-t-on pu faire sur des systèmes qui souffrent mille changements, en passant par mille mains différentes ? » [14]
    Tel est, au XVIII e siècle, l’aboutissant du jugement de la philosophie sur son propre passé ; il résulte du conflit entre une conception de l’histoire datant de la Renaissance et une conception nouvelle de la philosophie. Mais simultanément et dès le XVII e siècle, par un mouvement inverse, la conception de l’histoire et la perspective sous laquelle on voit le passé se transforment. Le thème nouveau, c’est l’idée que l’unité de l’esprit humain reste visible à travers la diversité des sectes. Dès le début du XVII e siècle (1609), dans son Conciliator philosophicus, Goclenius s’était efforcé de classer, sur chaque sujet, les contradictions des sectes ; et il ne dressait cette liste d’antinomies que pour les résoudre et pour montrer qu’elles n’étaient qu’apparentes. Ce « syncrétisme » qui affirme l’accord de la pensée philosophique avec elle-même est considéré par Horn comme le résultat véritable de l’histoire de la philosophie [15].
    A ce syncrétisme, qui efface les différences entre les sectes, est lié l’éclectisme qui, lui aussi, est au-dessus de toute secte p.18 mais qui, an lieu de réunir, choisit et distingue. « Il n’y a qu’une secte, dit déjà Juste Lipse, en laquelle nous puissions nous inscrire avec sécurité ; c’est la secte éclectique, celle qui lit avec application et qui choisit avec jugement ; extérieure à toute faction, elle deviendra facilement la compagne de la vérité. » Cet esprit de conciliation et d’éclectisme, qui a au XVII e siècle, en Leibniz, un illustre représentant [16], anime la grande Historia critica philosophiæ de Brücker [17], la source où tous les écrivains de la seconde moitié du XVIII e siècle ont puisé leurs connaissances en histoire de la philosophie. Le véritable usage de l’histoire, c’est de faire connaître les caractères qui distinguent la vraie philosophie de la fausse. L’histoire de la philosophie « développe une sorte d’histoire de l’intelligence humaine », elle montre « quelle est la puissance de l’intelligence, de quelle manière elle a été arrachée aux ténèbres et éclairée par la lumière de la vérité, comment elle est parvenue, à travers tant de hasards et d’épreuves, à la connaissance de la vérité et de la félicité, à travers quels méandres elle s’est fourvoyée, de quelle manière elle a été ramenée à la voie royale. » [18] L’histoire des sectes n’est donc qu’un moyen de nous affranchir des sectes. L’éclectisme, de Brücker pénètre dans l’ Encyclopédie  ; Diderot dans l’article Éclectisme y loue l’éclectique « qui ose penser de lui-même, et, de toutes les philosophies qu’il a analysées sans égard et sans partialité, s’en faire une particulière et domestique ».
    Mais le syncrétisme et l’éclectisme ne sont pas la seule manière d’interpréter le passé et de dominer la diversité des sectes. L’on cherche aussi, tout en maintenant cette diversité, à y trouver un lien et une continuité historique. Dans un
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