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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19
Autoren: Jules Michelet
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homme, un bon tyran, idolâtré du peuple, qui y chercha son dieu sauveur.
    Mirabeau semblait peu digne d'être cette idole. Rien de plus tortueux que sa conduite à cette époque. Avec son enfant, sa Nehra, une maison dispendieuse, il choisissait peu les moyens. Il allait fort chez Lamoignon (quoique opposé au coup d'État), recherchait Montmorin, en tira quelque argent pour ne paspublier ses lettres écrites de Berlin au ministre. Montmorin voulait l'absorber, l'aurait fait candidat aux États généraux. Ses lettres de ce temps sont d'un royaliste timide. Les États généraux, tant désirés, l'alarment maintenant, lui semblent précipités . S'il est élu, il sera très-monarchiste . En tuant le despotisme bureaucratique, il faut relever l'autorité royale (Mir., Mém. , V, 187-188). Il se fie peu aux masses. Le Tiers n'a ni plan, ni lumières, etc. Avec de telles opinions, si peu de foi au peuple, il regardait vers la Noblesse, vers sa famille, son père, et (faut-il le dire?) vers sa femme et le monde de sa femme! Son père l'eût autorisé à représenter ses fiefs dans la noblesse des États de Provence. Mais les nobles, contre qui il plaidait en 84, allaient-ils l'amnistier? Une lettre qu'il écrit à son oncle, nous apprend qu'il accepterait d'Arimane (du Démon) une place aux États généraux, qu'il se rapprocherait de sa femme même, c'est-à-dire irait à la gloire par la voie d'infamie.
    Le hasard le tira de là, lui sauva cette indigne chute.
    D'abord Necker, contre Montmorin, s'opposa, refusa de prendre Mirabeau pour candidat du ministère.
    Deuxièmement, une femme lui vint,—je ne dis pas un amour,—certaine madame Lejay, femme d'esprit, d'énergie, d'audace, de brutalité colérique, la grossière image du peuple, en qui il sentit cette force, qu'il ne connaissait nullement.
    Troisièmement, les insultes, les défis, les risées atroces de la noblesse de Provence, éveillèrent en lui une autre âme, le mirent au-dessus de lui-même, leportèrent à une hauteur qu'il n'eut ni avant ni après.
    Gentilhomme jusqu'à la moelle, il avait pourtant de naissance du goût pour s'encanailler dans la société des petits, de ses paysans limousins, provençaux (c'est ce qui indignait son père). D'après eux, il croyait le peuple doux et faible, le Tiers incapable de lutter s'il siégeait en face des nobles dans une même assemblée. Lorsqu'il alla, en novembre, au club qu'Adrien Duport ouvrait chez lui (au Marais, et plus tard aux Jacobins), il n'y vit que la robe, les clabaudeurs du Parlement, et cette élite maussade de la bourgeoisie ne le charma guère.
    L'impression fut toute autre devant sa libraire madame Lejay. Béranger, qui l'a connue, m'a donné quelques détails sur cette personne singulière.
    C'était une petite femme, jolie, hardie, robuste, vive de la langue et de la main. Sa vigueur au pugilat fut une des choses qui frappèrent, qui charmèrent le plus Mirabeau. Il aimait cette gymnastique. À Berlin, après un travail excessif, il se remettait en se battant, non pas avec sa trop douce Nehra, mais avec son secrétaire, ses valets et tout le monde.
    Madame Lejay, qui menait son commerce et sa maison, avait fait la mauvaise affaire d'imprimer la Monarchie prussienne de Mirabeau. Elle vint un matin lui dire que Lejay fermait boutique, que ses échéances arrivaient, que le pauvre homme était perdu. Lui seul pouvait les sauver en leur donnant un manuscrit scandaleux, d'un succès certain. C'étaient ses Lettres de Berlin . Elle était jolie, pressante. Mirabeau allégua qu'il ne les avait point. Il avait pris contre lui-mêmeune précaution singulière. Il avait mis le manuscrit dans les mains d'un jeune homme, sûr, très-honnête, très-dévoué, lui commandant de l'enfermer, et, s'il le lui demandait, de ne pas le lui donner. Comment le tirer de ses mains? Comment livrer ce secret d'honneur déjà payé deux fois? Tout cela n'arrêta guère la violente petite femme. D'emportement, de passion, elle fut irrésistible. Elle aurait battu Mirabeau. Il fit ce qu'elle voulait. Il força le secrétaire où son ami tenait enfermée l'œuvre fatale, la livra. Elle en eut sur l'heure et de quoi payer ses billets, et de quoi faciliter à Mirabeau son voyage d'élection qu'il ne pouvait faire sans argent.
    On a dit que Mirabeau ouvrit boutique à Marseille, s'afficha marchand de draps . Le fait est faux. Ce qui est sûr, c'est qu'à ce moment décisif où il allait prendre place dans la noblesse de
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