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Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Histoire De France 1758-1789, Volume 19

Titel: Histoire De France 1758-1789, Volume 19
Autoren: Jules Michelet
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l'impopularité, avait bien à réfléchir avant de poursuivre, de provoquer personnellement une telle force. Il s'arrêta, il n'osa.
    On avait dit en Provence qu'il ne reviendrait jamais. Le syndic de la Noblesse en avait fait une fête. Le jour du banquet, il arrive (7 mars 89).
    Mais bien avant qu'il soit à Aix, dès Lambesc, quel est ce grand bruit de cloches dans toute la campagne? Qu'est-ce que c'est sur les routes que cette affluence effrayante?... Étonnant peuple du Midi! Hier, tout semblait dormir. Aujourd'hui tout est en danse. On se l'arrache, cet homme. «Vive le père de la Patrie!» On veut dételer la voiture, s'atteler. Il s'y oppose, il pleure, et laisse échapper un sombre mot prophétique (Mir., Mém. , V, 271, 278.)
    À Aix, pour fuir l'ovation, la voiture allait au galop. On la suivait à toutes jambes. À travers les fleurs, les couronnes, les feux d'artifice, il arrive, il descend dans les bras du peuple.
    À Marseille, le 18 mars, il entre, tout travail cesse.Une masse de cent vingt mille âmes l'enveloppe. Le carrosse est accablé de lauriers, d'oliviers, de palmes. Les frénétiques baisent les roues. Les femmes, dans leur transport, offrent en oblation leurs enfants (279).
    Le plus piquant du triomphe, c'est que la petite tête vaine de madame de Mirabeau n'y tient pas. Elle est éperdue de sa gloire. Et cela dura trois ans. Elle acheta, à sa mort, son hôtel, son lit, voulut léguer tout son bien à l'enfant de Mirabeau. Au moment de l'ovation (mars 89), des paysans, apostés très-probablement par elle, allèrent prier Mirabeau de la reprendre, de donner des Mirabeau.
    Les nobles étaient si furieux, qu'à Aix, à Marseille et à Toulon, ils firent un coup désespéré. On ne peut le comparer qu'à la folie de Saint-Domingue, quand les colons imaginèrent de lâcher leurs propres nègres, de faire par eux l'incendie, le pillage des plantations. On organisa aux trois villes trois épouvantables émeutes. Cela n'était que trop facile après ce cruel hiver de misère et de famine. Le blé manqua, grande cherté. Le peuple, à Marseille, s'en prit à l'Intendant, au Fermier de la ville, força leurs hôtels, brisa tout, força, pilla les boutiques des boulangers. Le gouverneur, les consuls, épouvantés, donnent au peuple encore plus qu'il ne demande (284), baissant le prix du pain, de la viande, à un bas prix insensé. L'effet naturel eût été, que personne ne voulant apporter du blé à ce prix, on aurait eu la famine. On la faisait dès le jour même, chacun forçant le boulanger à donner du pain pour quinze jours. Le gouverneur s'était sauvé. Marseille était en grand péril. Les Génois, nombre d'étrangers,préparaient d'affreux désordres. Plusieurs auraient eu envie de brûler, piller le port. D'autres, pour grossir leur nombre, parlaient d'ouvrir les prisons, de s'adjoindre les voleurs. Et déjà trois cents bandits échappés couraient la ville.
    L'autorité avait péri. Ce fut le gouverneur même de la Provence, réfugié de Marseille à Aix, qui fit appel à Mirabeau, lui dit de «faire ce que son cœur lui conseillerait.» Terrible appel au danger le plus évident, à la ruine presque certaine de sa popularité. On pouvait croire que de toute façon il était fini et tué,—ou tué de sa hardiesse dans une entreprise impossible,—ou, s'il refusait de répondre, tué de honte et de lâcheté.
    Il montra un cœur admirable, vola à Marseille, sauva la Provence.
    Ce qu'il avait hautement conseillé dans ses écrits, la milice nationale remplaçant toute force armée, il l'organise à Marseille, aidé et par la jeunesse et par les corporations, les portefaix (corporation redoutable). Mais on travaillait en dessous. Le 25, pendant qu'il s'occupe à contenir un mouvement, une nouvelle accablante, décourageante lui vient: Aix et Toulon sont en feu.
    À Aix, le consul (marquis de la Fare), celui même qui avait fait exclure Mirabeau des États, fait une indigne tentative pour pousser le peuple à bout, pouvoir frapper, coûte que coûte. Ses provocations, ses injures, ne suffisaient pas, il en vint à dire aux affamés «que le crottin de cheval était assez bon pour eux.» (Mir., Mém. , V, 306.) On s'emporte. C'est cequ'il voulait. Il fait tirer ses soldats. Deux morts et plusieurs blessés. Là, le peuple exaspéré s'élance, rembarre les soldats, les désarme. La Fare se cache. Il est assiégé. Il baisse le prix du pain, il livre les magasins. Enfin de peur, il
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