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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18
Autoren: Jules Michelet
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torrent, le monde et la foule affairée. Mais de côté et d'autre, aux chemins de traverse, il voit de pauvres solitaires souffrants, muets, étouffant leur douleur. C'est à eux qu'il voudrait aller, eux qu'il voudrait calmer et consoler. Il hésite, craint de les blesser; il les laisse passer à regret.
    Ailleurs, un aveu adorable: c'est que, tant malheureux qu'il soit, l'homme n'en sent que mieux toutes les misères des autres hommes... «Comme si c'était sa faute qu'il y eût des hommes plus malheureux encore. Sa générosité s'accuse de tous les maux du genre humain.»
    Cette vive sensibilité éclate à chaque instant chez son maître Voltaire, le rieur plein de larmes. Elle alla trop loin même dans son Désastre de Lisbonne , l'égara, lui fit croire au désordre de la nature, lui en cacha l'ordre profond.
    Mais elle est admirable dans l' Essai sur les mœurs . Sous forme légère et critique, elle anime partout cebeau livre. Partout on est heureux d'y retrouver le sens humain .
    Bien mieux que Montesquieu [42] , il pose: que, si la coutume diffère selon les lieux et les climats, tout ce qui tient au fond de la nature est le même et ne varie pas. L'homme a toujours vécu en société, et cette société dure sur deux bases: justice et pitié .
    Plus vieux, il a mieux dit encore, étendant ce principe de notre petit globe à ceux qu'on voit au ciel, et à tous les mondes possibles. Partout même morale, tout comme même géométrie. Je cite ce qui suit de mémoire, je crois, assez exactement:
    «Si, dans la Voie lactée, un être pensant voit unautre être qui souffre, et ne le secourt pas, il a péché contre la Voie lactée. Si, dans la plus lointaine étoile, dans Sirius, un enfant, nourri par son père, ne le nourrit pas à son tour, il est coupable envers tous les globes.»
    2.—L'ACTION UNIVERSELLE.—DIDEROT.
    L'ouvrier naît au XVIII e siècle, et la machine au XIX e . Notable différence. Les œuvres industrielles, l'ameublement surtout, les arts de décoration intérieure, portent alors l'empreinte vive de la main de l'homme, souvent exquise et délicate, parfois quelque peu indécise, avec certains légers défauts qui ne sont pas sans grâce, indiquant que la vie a passé là, l'émotion, et que l'œuvre en palpite encore.
    Les formes convenues du siècle de Louis XIV s'étaient imposées à l'Europe, mais pour les choses qu'on peut dire extérieures : architecture, jardins, costumes officiels. Des arts nouveaux se créent sous la Régence, qui atteignent bien plus le dedans . Ils pénètrent, se glissent, semblent des confidents d'amour et d'amitié. Ils ne méprisent rien, donnent aux menus détails d'intérieur, à cent choses d'utilité (fort grossières sous Louis le Grand) un charme singulier. Toute la vie en est ennoblie. Au plus caché boudoir des princesses étrangères, l'ameublement intime, le négligé d'amour, la vie mystérieuse, tout est création de la France. Ce génie d'industrie, qui sent et prévoittout, sert les raffinements solitaires et la coquetterie sociale, les goûts de l'intérieur et l'aimable vie de salon.
    En ouvrant les recueils des hommes sortis de la Régence, Oppenord, Meissonier, de Cotte, etc., on voit qu'ils entrevirent, tentèrent une grande chose: féconder l'art par la nature , marier avec charme les formes si diverses de la végétation et de la vie marine, les feuilles, oiseaux, coquilles; exploiter mille espèces de fleurs, de coraux (autres fleurs); sortir de la pauvreté sèche des trois ou quatre types maussades où s'est tenu le Moyen âge. Ils en firent des essais, allèrent (on peut le dire) au bord de la Nature. Ils y seraient entrés avec bien plus d'audace si l'Histoire naturelle, maîtrisée par Buffon, n'eût été immobile dans ses descriptions solennelles, si déjà elle eût eu le génie des transformations qui doit un jour changer les arts. Lamark, Geoffroy, Darwin, s'ils avaient été nés déjà, auraient ouvert un champ immense au génie de nos Oppenord.
    L'art était jusque-là chose d'église, se répétant toujours, ou ridiculement bouffi, aux apothéoses royales, aux plafonds de Versailles. Mais tout à coup voilà qu'il est partout. Il devient social. Il crée une société. Il n'est plus une école ou une académie; il est un peuple. Un grand peuple sans nom a poussé sous la terre, de fine main, par qui le métier devient art. Il est même juste de dire que le sculpteur, le peintre, ne sont pas alors en progrès. C'est bien
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