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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18
Autoren: Jules Michelet
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bataille; dans ces mouvements commencés, trois volées de boulets la troublent, elle fuit à toutes jambes. Soubise amène ses réserves; trop tard; on les culbute aussi.
    L'affaire ne fut que ridicule. Peu de blessés, très-peu de morts, mais d'innombrables prisonniers. La suite aurait été terrible si la nuit, venue de bonne heure, n'eût charitablement couvert le camp des femmes, ce grand troupeau de faibles créatures, de dames qui s'évanouissaient, de filles éperdues qui criaient. Les marchands lâchèrent tout, n'eurent letemps d'emballer. Les cuisiniers laissèrent leurs batteries. Loin devant, vrais zéphyrs, volaient les perruquiers, jetant l'épée qui leur battait les jambes. Ce tourbillon eût été loin, si l'Instrutt, un méchant torrent, n'eût tout arrêté court. Un seul pont! Un long défilé... Deux jours, trois jours on fuit de différents côtés. À jeun. On n'a rien emporté. Si par bonheur on trouve, à peine on veut dîner, qu'un cri part: «Voici l'ennemi.»
    Le camp abandonné fut pour la sombre armée du roi de Prusse un surprenant spectacle. Ces moines du drapeau, dans leur vie dure, n'avaient aucune connaissance d'un tel monde de bagatelles, de frivolités parisiennes; que faire d'un tel butin? Par l'ordre exprès du Roi, les blessés furent soigneusement recueillis et soignés. Lui-même il fit manger les officiers avec lui, à sa table, leur en fit les honneurs, s'excusant de n'avoir pas mieux. «Mais, messieurs, je ne vous attendais pas sitôt, en si grand nombre.» Il dit encore: «Je ne m'accoutume pas à regarder des Français comme ennemis.» Et en effet, entre nos officiers, tous enthousiastes de lui, il avait l'air du Roi de France.
    Un cri d'admiration partit de l'Angleterre et de la France même. Vingt chansons célébrèrent Soubise.
    Cependant Vienne avait repris la Silésie, l'occupait avec cent mille hommes. Frédéric y court. Il en a trente mille, mais si sûrs qu'au moment il dit: «Si quelqu'un flotte, hésite, je lui donne congé; il peut se retirer, sans blâme et sans reproche.» Pas un ne s'en alla.
    Le sot démon d'orgueil qui possédait Marie-Thérèse avait gagné les siens; ils déliraient d'avoir repris la Silésie. Ils raillaient Frédéric. La terrible boucherie de Lissa les fit sérieux. Ils payèrent de leur sang. C'est la septième bataille de Frédéric en cette année (4 déc. 1757), et son chef-d'œuvre militaire. Napoléon lui-même en parle avec admiration.
    Dès ce jour-là, son sort était changé. Il pouvait désormais largement réparer ses pertes. Pitt, depuis juin, gouvernait l'Angleterre. Frédéric reçut à la fois de l'argent, une armée. L'armée hanovrienne, après Rosbach, déchire sa convention, et elle est mise aux mains des généraux de Frédéric. Quinze millions par an lui sont donnés de Londres. Il peut nourrir, payer les nombreux déserteurs qui de tous côtés lui arrivent, veulent servir le grand Roi de Prusse.
    Véritablement grand [41] . Les Autrichiens eux-mêmes, regrettant de lui faire la guerre, dans le Prussien ressentirent l'Allemand. L'admiration d'un homme rouvrit la source vive de la fraternité. Le culte du héros leur refit la Germania .
    Dans les nobles et simples récits que Frédéric nous donne de cette guerre unique, il n'a daigné rien faire pour en relever la grandeur. Loin d'en marquer l'effet, les résultats moraux, immenses, qu'on entrevoit ici, il s'en tient au technique, dit seulement pourquoiet comment il fit cette manœuvre, livra, gagna cette bataille, très-attentif surtout à bien marquer ses fautes, pour ne pas tromper l'avenir. Nulle excuse pour ses défaites. Une véracité héroïque. Les succès plutôt amoindris. Sur le nombre des morts, des prisonniers, si les narrations diffèrent, c'est dans celle de Frédéric que le nombre est le plus petit.
    On sent en lui une chose très-belle, c'est que ses faits de guerre il les a vus d'en haut.
    Derrière le capitaine et au-dessus est le Frédéric roi , dont l'autre Frédéric n'est que le général.
    S'il n'eût été ni roi, ni général, il resterait encore un des premiers hommes du siècle. En parcourant la colossale édition de ses œuvres (trente volumes in-4 o ), on reconnaît avec tous les critiques, les Villemain et les Sainte-Beuve, ce que le libre esprit des Diderot et des d'Alembert disait sans flatterie: C'est un grand écrivain, excellent prosateur, net, simple, mâle, d'étonnant sérieux, qui, même en face de Voltaire, dans
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