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Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Histoire De France 1724-1759 Volume 18

Titel: Histoire De France 1724-1759 Volume 18
Autoren: Jules Michelet
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plus en ces arts appelés des métiers, que le siècle fleurit de grâce et d'invention.
    Notez qu'ici l'ouvrier seul est tout. Il conçoit, exécute. Ce n'est ni Vanloo, ni Boucher qui lui enseignent ces merveilles. Dans son cinquième étage, il est un créateur. Sans secours, sans machine et presque sans outil, il est forcé d'avoir du génie dans les doigts. Que d'efforts, de pensées, de combinaisons solitaires, avant que le chef-d'œuvre aille au bout de l'Europe faire admirer les arts français!
    Mais cet ermite du travail, par moment, voit monter à lui un Esprit, qui aime et sent tout, qui pénètre ses habiletés, ses procédés, qui lui trouve une langue pour cent choses innommées, lui explique son art à lui-même. C'est le pantophile Diderot.
    Voltaire l'appelle Panto-phile , amant de toute la nature, ou plutôt amoureux de tout.
    Il n'est pas moins Pan-urge , l'universel faiseur. C'est un fils d'ouvrier (comme Rousseau, Beaumarchais et tant d'autres). Langres, sa ville, fabrique de bons couteaux et de mauvais tableaux, l'inspire aux métiers et aux arts.
    De son troisième nom qui lui va mieux encore, c'est le vrai Prométhée . Il fit plus que des œuvres. Il fit surtout des hommes. Il souffla sur la France, souffla sur l'Allemagne. Celle-ci l'adopta plus que la France encore, par la voix solennelle de Gœthe.
    Grand spectacle de voir le siècle autour de lui [43] .Tous venaient à la file puiser au puits de feu. Ils y venaient d'argile, ils en sortaient de flamme. Et, chose merveilleuse, c'était la libre flamme de la nature propre à chacun. Il fit jusqu'à ses ennemis, les grandit, les arma de ce qu'ils tournèrent contre lui.
    Il faut le voir à l'œuvre, et travaillant pour tous.Aux timides chercheurs, il donnait l'étincelle, et souvent la première idée. Mais l'idée grandiose les effrayait? Ils avaient peu d'haleine? Il leur donnait le souffle, l'âme chaude et la vie par torrents. Comment réaliser! S'il les voyait en peine, de sybille et prophète, il était tout à coup, pour les tirer de là, ouvrier, maçon, forgeron; il ne s'arrêtait pas que l'œuvre ne surgît, brusquement ébauchée, devant son auteur stupéfait [44] .
    Les plus divers esprits sortirent de Diderot; d'un de ses essais, Condillac; d'un mot, Rousseau dans ses premiers débuts. Grimm le suça vingt ans. De son labeur immense et de sa richesse incroyable coula le fleuve trouble, plein de pierres, de graviers, qu'on appelle du nom de Raynal.
    Un torrent révolutionnaire,—on peut dire davantage,—la Révolution même, son âme, son génie, fut en lui. Si de Rousseau vint Robespierre, «de Diderot jaillit Danton.» ( Aug. Comte. )
    «Ce qui me reste, c'est ce que j'ai donné.» Ce mot que le Romain généreux dit en expirant, Diderot aussi pouvait le dire. Nul monument achevé n'en reste,mais cet esprit commun, la grande vie qu'il a mise en ce monde, et qui flotte orageuse en ses livres incomplets. Source immense et sans fond. On y puisa cent ans. L'infini reste encore.
    Dans l'année même (1746) où Vauvenargues publia ses Essais , ses vues sur l' action , Diderot publia ses Pensées , où il dit un mot admirable. Il demande que Dieu ait sa libre action , qu'il sorte de la captivité des temples et des dogmes, et qu'il se mêle à tout, remette en tout la vie divine:
    «Élargissez Dieu!»
    Combien à ce moment on l'avait étouffé! combien indignement on l'avait remplacé, ce Dieu de vie, par la Mort même! Comme on s'en servait hardiment pour sacrer toute tyrannie, arrêter la science, la recherche des causes, au nom de la Cause première! On voulait qu'on s'en tînt à ce mot: «Dieu le veut.»
    «Qu'est-ce que la Nature? Adorez, ignorez! Comprendre, c'est impie.—Qu'est-ce que l'industrie? la témérité de créer et de faire concurrence à Dieu.—Et la médecine? défiance et défaut de résignation, l'acharnement de vivre. Guérir est un péché.»
    Ainsi, à chaque pas, obstacle et inertie, un monde obscur, épais, coagulé; rien ne se meut. Pour y ramener le mouvement, la circulation de la vie, le fluide de la Nature, et ses transformations à travers l'espace et le temps, il fallait écarter le Dieu faux d'inertie,—affranchir le Dieu mouvement .
    Après la longue mort des trente années dernières du règne de Louis XIV, il y eut un réveil violent de toutes les énergies cachées. Dieu s'élargit , on peut le dire, il s'échappa. La vie parut partout. Des lettres aux arts, des arts à la Nature tout
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