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Histoire de croisades

Histoire de croisades

Titel: Histoire de croisades
Autoren: Allessandro Barbero
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reposer. – Et comment se fait-il que tu sois couché
dans mon lit ? – J’ai trouvé le lit fait et je me suis mis à dormir. – Et
cette femme dort avec toi ? – Le lit est le sien, je ne pouvais pas l’empêcher
d’entrer dans son propre lit. – Par ma foi, conclut le premier, si tu
recommences je me fâcherai. Telle fut sa réaction et toute l’étendue de sa jalousie. »
    Là aussi, nous pouvons imaginer les lecteurs musulmans
ricanant ou hochant gravement la tête à l’idée qu’il existe dans le monde des
gens aussi dévergondés. Bien entendu, il est légitime de se demander si une
histoire de ce genre a jamais pu se produire réellement. C’est même hautement
improbable : pour libérales qu’aient été les mœurs de nos ancêtres, ils ne
réagissaient certainement pas de cette manière quand ils trouvaient leur épouse
au lit avec un autre. Mais le narrateur musulman se plaît à se les représenter
ainsi ; et ces histoires, même si elles ne sont pas réalistes, font partie
de l’imaginaire médiéval, puisque nous les retrouvons ensuite dans les fabliaux
ou chez Boccace. En tout cas, le fait que les Francs ne connaissent pas la
jalousie frappe tant notre émir qu’il revient sur le sujet avec une autre
anecdote scabreuse. « Un cas analogue nous a été raconté par un garçon de
bain de Ma’arra, nommé Salim, qui avait travaillé dans un bain appartenant à
mon père. » Il s’agit d’un bain turc, un établissement thermal : un
prince, tout comme il possède des maisons à louer et des boutiques, peut
posséder un bain et avoir des garçons de bain à son service. Salim se met
ensuite à son compte et ouvre son propre bain, et voilà ce qu’il raconte.
« Un chevalier franc entra dans l’établissement » – car les Francs
arrivés en Orient y découvrent aussi le plaisir du bain, qui chez eux n’est
plus tellement en usage. Les bains n’avaient pas disparu d’Occident, comme on
le croit parfois, mais le dispositif thermal à la mode antique n’y était plus
en usage, alors qu’il était resté pratique courante au Proche-Orient. Les
croisés fréquentent donc volontiers ces bains turcs, qu’ils trouvent
extrêmement agréables.
    « Un chevalier franc entra dans l’établissement »,
raconte donc le garçon de bain, « et ces gens-là n’aiment pas se ceindre
la taille avec une serviette. » Ce passage est étonnant, car aucun auteur
chrétien de cette époque – d’autant plus qu’alors les écrivains sont encore le
plus souvent des ecclésiastiques – ne nous raconte que les chevaliers, quand
ils prenaient un bain, se baignaient nus. Ici cela est dit textuellement. Et
qui est mieux placé qu’un garçon de bain pour le savoir ? C’est un fait, les
Francs aiment prendre leur bain tout nus. Mais ce sont des gens brutaux et mal
élevés : pour s’amuser, le chevalier tend le bras et arrache la serviette
de la taille du garçon de bain. « Il vit ainsi que je m’étais récemment
rasé le pubis. Il s’écria : Salim ! Je m’approchai de lui et, montrant
du doigt, il me dit : Magnifique ! Par ma foi, je veux que tu me
rendes à moi aussi ce service ; et il s’étendit sur le dos. Il avait à cet
endroit une toison aussi longue que sa barbe. Je le rasai et lui, passant la
main sur son pubis, le trouva tout lisse. Il reprit alors : Salim, par ma
foi, fais la même chose à la dame. Le mot " dame " », commente
Ousâma qui, de toute évidence, emploie un mot qu’il a vraiment entendu les
croisés prononcer en français, « dans leur langue veut dire " maîtresse
", c’est-à-dire son épouse ». On va quérir la dame, elle aussi se
fait raser, le garçon de bain est largement récompensé, le chevalier est très
content.
    Mais le plus fascinant est la conclusion d’Ousâma, après
avoir raconté cette histoire. « Voyez la contradiction : ils n’ont ni
jalousie ni sens de l’honneur » – deux sentiments que manifestement il n’arrive
pas à séparer : un homme qui n’enferme pas son épouse à la maison est forcément
dépourvu d’honneur. Et pourtant, poursuit-il, « en même temps ils ont
beaucoup de courage : or celui-ci, habituellement, naît du sens de l’honneur
et du dédain pour toute chose mal faite ». Ici nous assistons vraiment au
choc des civilisations, pour ainsi dire : nous voyons un homme imbu des
valeurs de sa civilisation et ne parvenant pas à interpréter le comportement
des autres. Que les Francs
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