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Histoire de croisades

Histoire de croisades

Titel: Histoire de croisades
Autoren: Allessandro Barbero
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suffire. Bien que la chose lui coûte, il refuse donc
cette offre. Telle est la différence entre Saint Louis et saint François, même
si les deux personnages se ressemblent par bien des points : la volonté de
faire pénitence en enterrant les cadavres putréfiés rappelle beaucoup François
se forçant à vaincre la répulsion que lui inspirent les lépreux, et tous deux
veulent rester au milieu des gens qui souffrent ; mais Louis est un
guerrier qui rêve d’entrer à Jérusalem à cheval, l’épée au poing, tandis que
François, qui a pourtant été lui aussi un chevalier dans sa jeunesse, a compris
combien cet idéal est contradictoire. Le roi ne perçoit pas cette contradiction,
car il est avant tout un croisé. Les biographes le décrivent au moment de
débarquer, quand la flotte arrive devant les plages : les bateaux ouvrent
les sabords, les chevaliers commencent à descendre dans l’eau en lançant des
éclaboussures, et Louis est au milieu d’eux, à cheval, en armure, avec un
heaume d’or, le plus beau chevalier que j’aie jamais vu, dit un des
chroniqueurs ; et comme il y a des Arabes qui observent la scène de loin, Louis
ne résiste pas, il éperonne son cheval, la lance en arrêt contre les ennemis :
ses hommes le retiennent à grand-peine, parce qu’il est le roi. Un héros de la
croisade, en somme, est un être double : il a beau se comporter comme un
moine franciscain, il reste toujours un guerrier venu là pour se battre.
    Néanmoins, Louis IX aime la plaisanterie, et c’est peut-être
la chose à laquelle nous nous attendrions le moins. Le plus intéressant de ses
biographes, Jean de Joinville, est un homme qui l’a très bien connu, un
Français de haute noblesse ayant exercé des charges importantes sous ses ordres,
et qui dans sa vieillesse écrivit un livre rassemblant toutes les anecdotes
dont il se souvenait sur la vie de Saint Louis. Joinville raconte que, durant
la croisade, le campement fut traversé par des pèlerins arméniens, des
chrétiens d’Orient qui se rendaient à Jérusalem munis d’un sauf-conduit du
sultan. Celui-ci laissait passer les pèlerins pacifiques, mais il combattait et,
en règle générale, anéantissait ceux qui venaient en armes. Les pèlerins savent
que le chef des croisés européens est un grand saint, et même un saint roi, et
se font indiquer sa tente. Devant la tente il y avait Joinville, et les
Arméniens lui demandent la permission de voir le saint roi ; Joinville – qui
le voit tous les jours et le connaît fort bien, avec tous ses défauts et ses
faiblesses, sait qu’il est un saint, l’admire énormément, mais n’est pas toujours
d’accord avec lui et quelquefois se fâche – entre dans la tente et dit au roi :
« Sire, il y a là dehors une foule de gens qui disent qu’ils veulent voir
le saint roi, mais je n’ai pas encore envie de baiser vos os. » Pour les
chrétiens du Moyen Âge, en effet, les saints sont le plus souvent morts et ils
n’en voient que les reliques ; dans les églises où leurs ossements sont
conservés, les fidèles s’agenouillent pour les baiser. Le roi, dit Joinville, se
mit à rire aux éclats. Il était le premier à n’avoir aucune envie de se faire
vénérer comme un saint.
    Louis IX meurt en 1270 pendant sa seconde et dernière
croisade. Nombreux sont ceux qui n’ont pas voulu l’accompagner, car le temps a
passé et, décidément, l’idéal de la croisade n’attire plus grand monde. Ceux
qui sont partis avec lui la première fois et ont vu comment cela s’est terminé
n’ont plus envie de l’accompagner ; bien plus, quand le roi fait savoir qu’il
veut de nouveau partir, la consternation remplit le royaume de France. Il part
tout de même ; Joinville n’y va pas, et puis dans son livre il écrit que, certes,
il s’en repent un peu, il aurait dû y aller, mais que c’était une folie. Louis,
qui est un saint, s’en va, tombe malade au cours de l’expédition, et avant de
mourir on l’entend dire : « Nous devons envoyer des prédicateurs pour
les convertir, je connais d’excellents prédicateurs, il faut les envoyer pour
les convertir. » Et nous qui lisons cela, nous ne savons plus s’il ne fait
que délirer ou si, peut-être, la leçon de saint François, après tout ce temps, commence
à porter ses fruits. Nous sommes vraiment ici à la fin de l’idéal de la
croisade, qui parvenait à associer un immense esprit de sacrifice à l’idée bien
arrêtée de
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