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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville
Autoren: Jean-Pierre Charland
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psychologique à un autre. Il s'était embarqué plutôt troublé. Mais voir la côte anglaise s'éloigner pendant des heures lui avait donné le temps de digérer la rupture, celle avec le pays, et l'autre plus ancienne, avec une jolie blonde. Après quelques jours, l'Angleterre était sortie de lui, comme lui était sorti de l'Angleterre. Il était prêt à passer à autre chose.
    La veille, le paquebot était entré dans l'estuaire du Saint
    Laurent. Les vingt premières années de sa vie commencèrent alors à compter plus que les dix suivantes. Il s'installa sur le pont, dans une chaise transatlantique, pour regarder défiler la côte sud du fleuve. Il y resta toute la nuit, voyant la lune se refléter successivement sur les toitures de tôle de Mata ne, Rimouski, Rivière-du-Loup, Kamouraska, Saint-Jean-Port-Joli. Au lever du soleil, le paquebot était déjà devant Saint-Michel-de-Bellechasse. A l'avant, une fois l'île d'Orléans largement dépassée, il vit Québec, en partie sur le cap, en partie aux pieds de celui-ci. Malgré la fatigue d'une nuit blanche, il resta là pour reconnaître les principaux édifices, comme le Château Frontenac, l'Université Laval, le bureau de poste, tous à.la Haute-Ville. En bas, à la Place-Royale, aucun édifice ne se distinguait vraiment des autres. Il y avait, un peu sur la droite, les maisons de commerce et les banques : le petit quartier des affaires. Plus à gauche, entre la falaise et le fleuve, se trouvait un quartier ouvrier. La vraie Basse-Ville des travailleurs se situait cependant derrière les hauteurs de Québec, sur les deux rives de la rivière Saint-Charles.
    Une bien belle ville, Québec, jugea-t-il; une bien petite ville aussi. Renaud se demanda encore s'il faisait bien de revenir. Il avait allongé ses études même après l'expiration de sa bourse, comptant sur ses parents pour assurer sa subsistance. Il avait voulu revenir en 1918, à la fin de la guerre. Mais une lettre plutôt froide de son père lui avait annoncé la mort de sa mère et de sa sœur, pendant l'épidémie de grippe espagnole. Après cela, il avait sans cesse remis le voyage, de six mois en six mois. Ses relations avec son père n'avaient rien eu de chaleureux quand il était enfant ou adolescent. Ses lettres sèches ne l'incitaient pas à tenter un rapprochement à l'âge adulte.
    Si, vivant, son père ne présentait pas une raison suffisante pour revenir, sa mort avait précipité les choses. Renaud avait appris grâce à un télégramme du liquidateur la mort d'Haegédius Daigle, victime d'un infarctus, et l'existence d'un héritage de quelques centaines de milliers de dollars, une fois tous les frais de succession réglés. C'était beaucoup d'argent en 1925, assez pour vivre sans travailler le restant de ses jours. En même temps, Renaud se rendait bien compte qu'un francophone ne pouvait aspirer à une grande carrière dans les services diplomatiques canadiens encore embryonnaires. Au mieux, il resterait attaché d'ambassade toute sa vie. Alors, il avait tout laissé pour revenir à Québec. Il avait des ressources suffisantes pour attendre le temps qu'il faudrait un bon emploi. Sa décision l'angoissait tout de même un peu. La ville paraissait tellement petite, vue de sa chaise transatlantique, quand le paquebot entreprit de doubler l'île d'Orléans.
    Comme promis, Gagnon s'était rendu jusqu'à Stadacona. Il était entré sur les talons du couple Germain, au grand déplaisir du bonhomme, curieux de voir leur maison. Celle-ci tenait plutôt de la masure, ne présentant pas une bien bonne réclame pour les talents de charpentier de son propriétaire. Il n'osa pas demander de fouiller la chambre de Blanche, quoiqu'il ne renonçât pas à l'idée de revenir, éventuellement. La mère le laissa dans la cuisine, le temps d'aller chercher une photographie de la fille disparue. Le père, lui, s'esquiva en silence, jugeant sans doute avoir déjà trop longuement côtoyé un policier ce jour-là.
    La photographie était plutôt floue. Elle avait été prise par un jeune homme, John Grâce, membre de la chorale de la paroisse Saint-Roch. Le policier nota le nom, à tout hasard. Blanche avait été photographiée debout, dans un parc. Le lieutenant reconnaissait les chutes Montmorency derrière elle. Elle avait des cheveux bruns assez courts - la mode «à la garçonne» faisait fureur -, un peu ondulés. Le visage était plutôt rond, assez quelconque en autant que la qualité delà
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