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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville
Autoren: Jean-Pierre Charland
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l'heure.
    —    Rien ne peut être pire qu'ici.
    —    Tu lis trop, répondit Berthe en poussant un long soupir. Cesse de rêver, essaie de faire avec ce que tu as. Tu pourrais tenir une maison, d'ici quelques années. Je vais sûrement me retirer dans peu de temps.
    —    Je ne sais pas si je pourrai endurer cette vie bien longtemps encore.
    La tristesse dans la voix de Lara toucha Berthe plus qu'elle ne l'aurait voulu. Elle avait essuyé son épais maquillage et revêtu une vieille robe de chambre. Il n'y avait plus rien de la tenancière chez elle. Seulement une femme vieillissante qui ne savait trop comment gérer le désespoir. Pourquoi Lara n'arrivait-elle pas à se faire une raison ? Après tout, au Chat, les filles avaient une existence plutôt agréable.
    Lara vida rapidement son verre de lait, puis retourna s'évader dans un livre.
    Ils étaient venus le 8 juillet, dès le matin, au moment de l'ouverture des bureaux. Plutôt craintifs, ils s'étaient assis sur un banc en bois, dans un coin, attendant que quelqu'un s'occupe d'eux. Le poste de police de la ville de Québec prenait vie progressivement, les agents allaient et venaient, les officiers interrogeaient les garçons et les filles cueillis pendant la nuit. Les premiers s'étaient rendus coupables de vol ou encore avaient été impliqués dans une bagarre. Les secondes, dans la totalité des cas, s'étaient livrées à la prostitution sans faire preuve de la discrétion nécessaire. En effet, ce vieux commerce n'attirait guère les foudres de la police, s'il se déroulait dans des maisons spécialisées, mais on ne tolérait pas la sollicitation des clients au vu et au su des bonnes gens de la ville.
    Il fallut une bonne heure avant qu'un agent ne demande au vieux couple, en passant, s'il attendait quelqu'un. Apprenant qu'ils étaient là parce que leur fille avait disparu, il les conduisit immédiatement au bureau du lieutenant Gagnon. Mis au courant en quelques mots, celui-ci prit un formulaire pour enregistrer la déposition des deux vieux.
    —    Votre nom, commença-t-il par s'enquérir, et votre adresse ?
    —    Euclide Germain. Elle, c'est ma femme, Joséphine.
    Il avait entre soixante et quatre-vingts ans, impossible d'être plus précis. Si l'impression de force donnée par son imposante carrure et ses mains épaisses et larges comme des battoirs laissaient croire à sa verdeur, ses cheveux et l'épaisse moustache lui cachant la lèvre supérieure étaient blancs. Son visage, buriné par le soleil, présentait un impressionnant réseau de rides profondes.
    —    J'habite à Stadacona. Je suis charpentier.
    Gagnon acquiesça. Le bonhomme ne lui était pas tout à fait inconnu. En fait il connaissait surtout ses fils : des oiseaux plutôt turbulents, qui ne reculaient pas à l'idée de se battre. Ils avaient été accusés de divers délits, mais les choses en étaient restées là, faute de preuves suffisantes. Si le vieux semblait se méfier des policiers et vouloir se trouver ailleurs, il n'était pas impressionné outre mesure. Ses yeux gris, froids, cruels même, se dit l'officier, faisaient le tour de la pièce avec ennui. Il n'était pas venu là de sa propre initiative.
    A côté de lui, sa femme semblait tout à fait effrayée. Le souffle court d'avoir beaucoup marché - ils devaient être venus à pied de Stadacona et elle n'avait pas encore repris son souffle une heure plus tard -, elle se tordait les doigts nerveusement. Comme elle était restée un peu    en    retrait,    Gagnon
    voyait ses chevilles enflées au-dessus des chaussures éculées, ses jambes variqueuses, pâles et crasseuses. Sa robe enserrait son corps gros et difforme comme un vieux sac. Ses yeux
    restaient résolument fixés au sol.
    —    Madame, vous voulez signaler la disparition de votre fille ? lui demanda le policier.
    —    Oui. Elle n'est pas revenue à la maison samedi, après son travail.
    Elle avait levé les yeux pour lui répondre. Gagnon y lut une grande terreur.
    —    Samedi dernier? fit-il. Déjà cinq jours et vous ne venez que maintenant?
    —    Il lui arrive d'aller chez l'un de ses oncles, répondit le mari.
    —    Parfois elle reste chez lui deux ou trois jours, ajouta-t-elle. Il y a aussi sa sœur, Marie-Madeleine, qui demeure dans Saint-Sauveur. On a cru qu'elle se trouvait à une place ou à l'autre. Comme on n'a pas le téléphone, on ne pouvait pas savoir, expliqua-t-elle encore au
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