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Haute-Ville, Basse-Ville

Titel: Haute-Ville, Basse-Ville
Autoren: Jean-Pierre Charland
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Dufferin. Essoufflé, le dos mouillé de sueur, il se dirigea lentement vers l'hôtel Clarendon. L'établissement, construit depuis peu, attirait ceux qui, désirant du confort, n'étaient pas prêts à payer pour le luxe du Château Frontenac. Puis l'endroit était tout à fait convenable, avec son style art déco. Le hall était agréablement frais, des ventilateurs aux larges pales agitant doucement l'air. Derrière le comptoir, un commis l'accueillit avec un «May I help you, Sir?» au fort accent. C'était dans l'ordre des choses: on parlait anglais spontanément à une personne assez riche pour descendre dans un hôtel de cette catégorie.
    Daigle loua une chambre pour trois nuits. Il y monta immédiatement, rangea les quelques chemises, les chaussettes et les sous-vêtements contenus dans son sac. Il se fit un devoir de se laver les mains - une poignée de main moite est toujours d'un mauvais effet sur un banquier - et le visage, puis de se raser. Rafraîchi, il repartit aussitôt.
    La vitrine de la librairie Garneau le retint un long moment. Les dernières nouveautés françaises y étaient exposées. Se contenter de l'édifiante littérature canadienne-française signifiait une condamnation au plus grand ennui : les chefs-d'œuvre littéraires des prêtres écrivains, Casgrain, Paquet, Groulx, pouvaient très efficacement anesthésier toute curiosité intellectuelle, tout esprit de contestation et une bonne part du sens esthétique. De nombreux livres ne passaient pas la censure, il les ferait venir directement d'Europe. Il s'attarda aussi devant un magasin de vêtements, puis obliqua, passant sur le parvis de la cathédrale, devant la cour du Séminaire de Québec où il avait terminé ses études classiques douze ans auparavant, pour descendre la rue de la Fabrique, au bout de laquelle se situait l'établissement du photographe Livernois. Il s'engagea ensuite dans la rue Saint-Jean, où s'alignaient encore de nombreux commerces.
    Près de la porte Saint-Jean se trouvait une succursale de la Bank of Montréal. Quand il eut décliné son identité et expliqué vouloir un compte, le commis s'excusa sagement pour aller avertir le gérant. S'appeler Daigle et s'exprimer avec un curieux accent ne pouvait signifier qu'une chose : il était l'enfant prodigue, héritier d'une fortune appréciable, de retour d'Europe.
    —    Monsieur Daigle, s'écria le gérant, la main tendue, vous avez fait bon voyage ?
    La poignée de main était cordiale et mercantile.
    —    Venez dans mon bureau, je vais m'occuper de vous, enchaîna-t-il sans attendre la réponse.
    Il ouvrit un portillon afin de permettre à Daigle de passer derrière le comptoir, pour ensuite lui désigner la porte de son bureau, grande ouverte. D'un signe, il demanda au commis tous les documents nécessaires pour l'ouverture d'un compte. Pendant ce temps, Daigle tira de son portefeuille une traite bancaire de quelques centaines de livres et ses derniers billets. La somme représentait toutes ses économies des dernières années.
    —    Vous avez déjà une adresse à Québec? La maison de votre père ?
    —    Non, mon notaire s'est chargé de la vendre. Je suis à l'hôtel Clarendon pour quelques jours, le temps de trouver où me loger.
    Le gérant était à la fois obséquieux et hypocrite. Personne n'ignorait que la maison du notaire Daigle, rue Saint-Cyrillc, avait été mise en vente peu après la mort de celui-ci, et qu'elle avait rapidement trouvé preneur. Mais il lui fallait une entrée en matière.
    —    Vous savez, nos clients nous avertissent quand ils ont une propriété à vendre. Je peux vous donner des adresses...
    —    Non, j'ai déjà quelque chose en vue, mentit Daigle. Je veux déposer cette traite dans mon compte, et changer ces billets en dollars.
    —    Très bien. Il faudra nous donner votre adresse quand ce sera réglé. Un coup de téléphone suffira.
    Il jeta un œil à la traite. En dollars, cela donnait une jolie somme. Le client en valait la peine. Un banquier savait toujours quel entrepreneur avait besoin d'un peu d'argent frais. Il continua :
    —    Vous avez été absent pendant... Mais oui, cela fait bien dix ans! Je pourrais vous donner quelques conseils sur les meilleurs secteurs d'investissement. Par exemple, je connais des manufacturiers de chaussures qui cherchent un partenaire.
    —    Comme vous le dites, j'ai été absent longtemps. Je vais donc prendre le temps d'évaluer le
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