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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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bordaient des rues sans pavés et souvent sans trottoirs. Des planches étaient jetées sur les fossés bordant les chemins et, pour ce qui constituait le centre nerveux de la ville, Broad Street ou Wall Street, la saleté qui y régnait était de nature à dégoûter les nez les plus délicats. Mais les alentours formaient une campagne agréable avec de petits étangs, de beaux arbres, des collines et, surtout, les rives du fleuve Hudson étaient d’une étonnante beauté. En fait, New York c’était un morceau de cette grande île de Manhattan traversée en écharpe par une ancienne voie indienne que l’on appelait Broadway, auquel il fallait ajouter les collines de Brooklyn, sorte de quartier résidentiel situé de l’autre côté de l’East River et que l’on atteignait au moyen des barques d’un passeur.
    Tournemine connaissait déjà New York où il avait combattu aux côtés de La Fayette lorsque avec une poignée d’hommes tous deux 3 avaient monté un audacieux coup de main contre le Fort Constitution où s’était réfugié, après sa trahison de West Point, le général traître Benedict Arnold. Mais, s’il reconnut aisément, au passage, le fort qui commandait la baie, il eut bien de la peine à reconnaître la ville elle-même. Elle poussait comme un champignon, quelque peu vénéneux d’ailleurs. Quant au port, l’un des meilleurs du monde, sans doute, au fond de sa profonde baie si bien défendue, il regorgeait tellement de navires de toutes sortes que le Gerfaut ne réussit pas à trouver place à quai. Il s’était contenté de se mettre au mouillage à l’abri d’une petite île couverte de noyers, Nutten’s Island 4 . Il n’était d’ailleurs pas le seul car aussi bien près de cet îlot que de son voisin, Bedloe’s Island 5 , nombreux étaient les bateaux qui avaient choisi, par force, cette solution.
    Sans qu’il s’en doutât la chance attendait Gilles à terre. Lorsqu’il sauta de sa chaloupe sur ce qui était plutôt une cale qu’un véritable quai, au flanc est de Manhattan, la première personne qu’il aperçut, sortant d’une des nombreuses tavernes qui illustraient l’endroit, fut un homme de grande taille, habillé de daim vert et coiffé d’un bonnet de castor : son ami Tim Thocker en personne. Lequel d’ailleurs ne montra aucune surprise de la rencontre.
    — À la Noël, tu m’as écrit que tu allais venir ici. Alors tous les matins, depuis que j’ai reçu ta lettre, je suis venu faire mon tour de port.
    — Tous les matins ? Quelle idée ? Je t’avais dit que je comptais aller te voir chez toi…
    — J’avais bien compris mais, pour le moment, chez moi, c’est ici.
    — Comment ça, ici ? Et Stillborough ? Et miss Martha, la fille du shipchandler de New Port, ta fiancée ?
    — Elle est toujours ma fiancée et elle le sera tant que je ne me serai pas établi solidement quelque part.
    — Et ce quelque part c’est New York ?
    Tim haussa les épaules.
    — Eh oui ! Martha en a assez de New Port. Elle veut vivre dans une grande ville. Alors j’ai décidé de m’associer avec un certain Robert Bowne pour faire avec lui des affaires.
    Gilles se mit à rire en désignant l’accoutrement de daim vert de son ami.
    — Et tu fais des affaires habillé comme un coureur des bois ?
    — Bien sûr puisque nous nous occupons de fourrures. Il faut bien que quelqu’un aille les chercher en territoire indien, ces fourrures…
    — Et ce quelqu’un c’est toi ? J’ai compris. Alors, fini la politique ? Tu ne sers plus de courrier au général Washington ?
    — Mais si… plus que jamais. Le général, vois-tu, est retiré sur ses terres, à Mount Vernon. Il cultive son jardin comme il dit. N’empêche que la politique l’intéresse toujours autant, même s’il prétend lui fermer sa porte. Il a des yeux et des oreilles dans les treize États… et moi je fais partie de ces yeux et de ces oreilles. Mais si on allait causer de tout ça autour d’un bol de punch ? Il fait un vent du diable sur ce port…
    C’est ainsi que Gilles avait repris contact avec l’Amérique. Avec Tim, naturellement, toutes les difficultés s’étaient aplanies comme par magie. En l’espace d’une heure, celui-ci avait avalé un seau d’eau bouillante et un boujaron de rhum, décidé d’accompagner lui-même Tournemine auprès de Washington et trouvé, pour y installer la maisonnée de son ami, une maison convenable et ce qu’il fallait pour en assurer
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