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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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songer sans colère, il s’interdisait d’y penser jusqu’à ce que devînt enfin possible, entre eux, la définitive explication qui déciderait de leur vie, comme il s’interdisait de poser à Fanchon la plus anodine question concernant la vie de Mme Kernoa à la Folie Richelieu. Il pouvait faire sa maîtresse d’une servante agréablement tournée mais non s’abaisser à des confidences d’alcôve fleurant la cuisine… Et la nuit où la jeune femme, pensant lui faire plaisir, risqua une allusion à l’équivoque baron de Kernoa, il coupa court immédiatement à leurs fugitives amours, lui interdit d’évoquer jamais, sous son toit et même en pensée, le nom de Kernoa sous peine de se voir immédiatement renvoyée en Europe puis, comme elle fondait en larmes, lui fit cadeau de quelques pièces d’or qui eurent le don d’éclaircir instantanément le paysage.
    Fanchon, néanmoins, tenta de discuter :
    — Pourquoi ne continuerions-nous pas ? fit-elle en retenant ses larmes. Madame ne saura jamais rien et je jure sur la tombe de ma mère de ne plus jamais prononcer le nom qui… que M. le chevalier n’aime pas.
    — De toute façon, il fallait que cela cesse avant la fin du voyage. L’Amérique est une terre vertueuse, voire puritaine. J’entends y installer une famille honorable et certainement pas les mœurs d’un sultan. Cela n’empêchera nullement que je ne garde de toi un charmant souvenir et que je n’essaie de te trouver un bon mari.
    — J’aurais bien préféré que vous gardiez mes caresses, soupira Fanchon, mais puisque ce n’est pas possible, essayez seulement, s’il vous plaît, que le mari en question ne soit point trop laid…
    Et sur une très protocolaire révérence qui rétablissait d’un seul coup les distances, elle quitta la cabine dont elle ne devait plus franchir le seuil, gardant seulement l’arrière-pensée qu’un jour, peut-être, son trop séduisant maître trouverait quelque plaisir à changer d’avis. Comment pourrait-il en être autrement dans un pays de sauvages où les femmes avaient la peau rouge et se parfumaient à la graisse d’ours ? Cette dernière réflexion étant due tout entière à une distante mais attentive observation de Pongo, l’écuyer iroquois de Tournemine, pour lequel Fanchon éprouvait une aversion fortement mélangée de crainte.
    Ainsi, le Gerfaut poursuivit sa route avec des fortunes diverses et, après quatre semaines d’une navigation somme toute assez satisfaisante pour la saison, l’élégant navire pénétrait, toutes voiles dehors, dans le port de New York élevé depuis environ deux années au rang de capitale fédérale des États-Unis de l’Amérique septentrionale.
    Pour Judith, il était grand temps que l’on touchât terre. La jeune femme, dont l’estomac révulsé n’avait toléré aucune nourriture solide depuis de longs jours, était à peu près à bout de forces.

    Gilles ne l’avait pas revue depuis qu’elle était montée à bord et, après les confidences de Rozenn, il ne s’était plus présenté à sa porte, se contentant de prendre de ses nouvelles auprès de sa vieille nourrice ou auprès de Fanchon. C’était, en effet, avec une Judith en pleine possession de ses moyens qu’il entendait discuter de leur avenir commun et des dispositions qui pouvaient rendre supportable l’existence future de leur ménage. Il n’avait jamais aimé affronter un adversaire désarmé et la première chose à faire était de lui faire retrouver ses forces.
    Aussi, à peine les voiles carguées, se fit-il conduire à terre afin de s’y mettre en quête d’un logis convenable où il soit possible d’installer une malade ; donc une maison particulière car les auberges, dans cette ville en pleine expansion, ne présentaient peut-être pas un confort extrême.
    Comptant alors environ trente mille habitants, New York n’offrait qu’une ressemblance lointaine avec une ville européenne. Toute son activité était centrée sur le port qui grandissait à vue d’œil et sur les nombreuses voies fluviales qui y aboutissaient et servaient de moyen de pénétration avec l’arrière-pays. En dehors des quelques rues avoisinant le port, à la pointe de l’île de Manhattan, rues étroites et sales pour la plupart, le reste du paysage était résolument campagnard. Quelques belles demeures s’élevaient en face de marécages, de champs et de bois qui entouraient des fermes. Des magasins regorgeant de marchandises
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