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Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Hasdrubal, les bûchers de Mégara

Titel: Hasdrubal, les bûchers de Mégara
Autoren: Patrick Girard
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Il appartenait à
la famille de ma mère et n’avait pas tardé à comprendre que je souffrais d’une
profonde solitude. Pour me rendre intéressant auprès de mes nouveaux camarades,
je multipliais les actes d’indiscipline et je me refusais obstinément à
apprendre à tracer les caractères de l’alphabet punique. Averti de ma mauvaise
conduite, il me convoqua. Je comparus devant lui, tremblant à l’idée du châtiment
qui m’attendait. J’étais sur le point de me prosterner sur le sol pour implorer
son pardon quand j’entendis sa douce voix me dire :
    — Hasdrubal,
tu n’as rien à craindre de moi. Je comprends les raisons qui te poussent à te
conduire comme un chenapan. On t’a arraché à la vie paisible que tu menais à la
campagne pour te plonger dans la fièvre de Carthage où chacun prétend vivre
selon ses inclinations, en foulant aux pieds les principes les plus sacrés. Tu
souffres de cette situation et tu crois te venger de ton père en te comportant
comme un cancre et en refusant d’apprendre à lire et à écrire. S’il est mis au
courant de ton attitude, assurément il te châtiera cruellement et toi, mû par
une fausse vanité, tu t’obstineras à ne pas lui donner satisfaction. Il finira
par se lasser de toi et t’abandonnera à ton sort. Tu couleras alors une
jeunesse insouciante et rieuse mais, plus tard, quand tu seras en âge d’exercer
des responsabilités, tu te morfondras dans ton coin, faute d’avoir l’expérience
nécessaire pour le faire. C’est alors que tu regretteras tes erreurs mais il
sera trop tard pour les réparer. Réfléchis bien à cela.
    — Grand
prêtre, je te remercie de ta générosité. Je m’attendais à être durement puni
et, au contraire, tu me tiens le langage du cœur. Pourtant, je dois te
l’avouer, j’exècre mes professeurs. Ils ne voient en moi que le fils de
Mutumbaal et recherchent ses faveurs. En fait, ils ne s’occupent pas de moi.
Ils ne croient pas à ce qu’ils m’enseignent et cela me décourage. À quoi bon
étudier auprès d’aussi médiocres maîtres ?
    — Ne
dis à personne que je t’ai donné ce conseil : dissimule tes sentiments et
apprends à ruser avec tes ennemis. Méprise-les intérieurement mais sers-toi
d’eux. Je sais trop ce que valent tes professeurs. S’il ne tenait qu’à moi,
aucun d’entre eux n’aurait le droit de franchir l’enceinte sacrée de ce temple.
Malheureusement, je dois faire preuve de prudence et ménager certaines
susceptibilités.
    — La
situation est donc sans issue ?
    — Chaque
problème a toujours sa solution. Si tu t’obstines à demeurer un cancre, tu leur
donneras satisfaction. Ils se moqueront de toi et de ton ignorance. En devenant
un bon élève, tu les gêneras plus que tu ne te l’imagines car tu les obligeras
à travailler. J’exige donc de toi que tu apprennes à lire et à écrire notre
langue le plus rapidement possible. Dès que tu auras franchi cette étape, je
t’appellerai auprès de moi et c’est moi qui t’enseignerai l’histoire de notre
cité et tout ce qu’un homme cultivé doit savoir. Tu n’auras plus à supporter les
médiocres maîtres dont tu me parles. Rassure-toi, ils n’en diront rien à ton
père de peur de perdre les gratifications dont celui-ci les comblera au vu de
tes résultats. Sommes-nous bien d’accord ?
    — Oui.
Cependant, vénéré Himilkat, je me dois d’être franc avec toi. Je ne suis pas
sûr d’être doué pour les études. Je suis un gamin de la campagne, un être
fruste qui se satisfait de peu. Avec la meilleure volonté du monde, tu ne feras
pas de moi un lettré.
    — Tu
confonds deux choses : la fausse érudition et la véritable sagesse.
Celle-ci ne s’apprend pas forcément dans de savants traités mais au contact des
gens. Je le sais d’expérience. Fais-moi confiance et tout ira pour le mieux.
    Je n’ai
jamais regretté d’avoir suivi les conseils du vieil Himilkat. Grâce à lui, j’ai
pu donner le change à mon père, ravi d’entendre les rapports flatteurs que lui
faisaient sur mon compte les prêtres du temple. Il était si fier qu’il
s’abstenait par chance de les interroger longuement car ils auraient été bien
en peine de lui parler longuement de moi. Je ne les voyais pratiquement pas
puisque je passais l’essentiel de mes journées avec le grand prêtre qui me
racontait l’histoire de Carthage dont il connaissait le moindre détail depuis
sa fondation par la reine Elissa.
    Quand
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