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Hamilcar, Le lion des sables

Hamilcar, Le lion des sables

Titel: Hamilcar, Le lion des sables
Autoren: Patrick Girard
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intérêts.
    — Tu
as le mérite de la franchise et je préfère cette réponse aux paroles mielleuses
que je redoutais d’entendre sortir de ta bouche. Si tu avais cherché à me
flatter, je me serais méfié. Là, je sais que tu raisonnes en fin politique et
il n’est pas impossible que nous puissions trouver un terrain d’entente.
    — Magon,
j’aime les gens de ta trempe. Nous sommes du même acabit, toi et moi.
Crois-moi, tu perds ton temps dans ces montagnes alors qu’un avenir brillant
t’attend à Carthage.
    — J’ai
toujours refusé de remettre les pieds dans cette ville depuis des années car
son nom est associé pour moi à de trop cruels souvenirs. L’idée de revoir
certains lieux m’est encore intolérable, bien plus intolérable que l’exil
auquel je me suis de moi-même condamné.
    — Je
sens dans tes propos de l’amertume, de la douleur mais aussi de la nostalgie.
Ta cité natale te manque même si tu répugnes à l’admettre.
    — Un
fils de Carthage ne peut oublier sa ville mais il peut lui être impossible de
lui pardonner l’ingratitude dont elle a fait preuve à son égard.
    — Je
ne sais pas si c’est le terme exact qu’il faut employer en la circonstance.
Avant de venir ici, je me suis renseigné sur toi. Ne proteste pas. J’ai des
informateurs un peu partout et je crois connaître les raisons de ta colère.
Veux-tu que je te rafraîchisse la mémoire même si cela peut t’être
pénible ?
    — Parle
et je jugerai de la sincérité de tes propos.
    — Tu
as quitté notre cité parce qu’elle a sacrifié ton plus jeune fils à Baal
Hammon.
    Carthalon
observa furtivement Magon. Celui-ci s’était brusquement affaissé sur le lit de
repos et sanglotait doucement. Le sénateur se garda bien d’esquisser le moindre
geste et demeura obstinément silencieux, montrant par là qu’il respectait la
douleur de son interlocuteur. Finalement, l’aide de camp se redressa et, la
voix brisée par le chagrin, murmura :
    — Ainsi,
tu es au courant du malheur qui s’est abattu sur notre famille. Tu le vois par
ce seul exemple, Carthage est une grande cité mais elle sait se montrer
impitoyable envers les meilleurs de ses serviteurs.
    — Je
comprends ta colère. À ta place, je n’agirais pas autrement. Mais t’es-tu
demandé si notre cité était la seule responsable de tes malheurs ?
    — Qu’entends-tu
par là ?
    — Il
est vrai que les prêtres de Baal Hammon, pour conjurer la menace planant sur
leur ville quand les mercenaires révoltés l’assiégeaient, avaient décidé
d’offrir en sacrifice des dizaines d’enfants, certains issus des plus nobles
familles. Au Sénat, il nous avait paru normal que les Barca, partisans de la
guerre à outrance, soient les premiers à être mis à contribution.
    — Quoi !
Hamilcar devait sacrifier l’un de ses enfants ?
    — Oui,
en l’occurrence le petit Hannibal, son fils aîné.
    — Je
ne comprends pas. Il était ici jusqu’à une date récente, bien en vie, et
servait sous les ordres de son père. C’est un bon officier et je l’aime
beaucoup.
    — Il
est ici uniquement parce que lorsque les soldats sont venus à Mégara le
chercher, Hamilcar leur a expliqué que ses fils étaient partis avec Épicide
chez leur ami Juba.
    — C’est
vrai, mon père, Himilk, m’avait parlé de ce voyage.
    — Mais
tu ignores sans doute que, pour apaiser la colère des soldats et la fureur des
dieux, Hamilcar leur a confié ton propre fils, qu’il avait pris la précaution
d’adopter, pour être offert en holocauste sur l’autel de Baal Hammon.
    — Que
dis-tu ? Je ne puis le croire. Mon père, qui se trouvait alors à Mégara,
m’a toujours affirmé que les prêtres de Baal Hammon avaient nommément désigné
mon enfant comme figurant sur la liste des victimes. Il avait donc été obligé
de le leur remettre. Il me l’a encore juré peu avant de mourir.
    — Ton
père était un homme d’honneur. Je l’ai bien connu et tu dois savoir que, s’il a
dû obéir au fils d’Adonibaal, c’est parce que celui-ci exerçait un abominable
chantage sur lui. S’il refusait de s’exécuter, il risquait de perdre la vie et
de mourir dans d’atroces souffrances. Mais il n’a jamais voulu me révéler son
secret, en dépit de tous mes efforts.
    — Es-tu
sûr de ce que tu affirmes à propos d’Hamilcar et notamment de ce qu’il ait
adopté mon fils à des fins que je n’ose qualifier ?
    Carthalon
se leva et sortit
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