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Gilles & Jeanne

Gilles & Jeanne

Titel: Gilles & Jeanne
Autoren: Michel Tournier
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résistances, tous les scepticismes dans un dessein grandiose.
    — Ainsi, conclut-il, il y a l’Arbre des Fées qui se tait, et il y a des voix du côté de l’église qui te conseillent. Jeanne, je crois que chacun de nous a ses voix. Des voix mauvaises et des voix bonnes. Je suis le petit taureau de Champtocé, né dans la Tour Noire de la forteresse. J’ai été élevé par mon grand-père, Jean de Craon, un grand seigneur, mais aussi un aventurier de sac et de corde. Les voix que j’ai entendues dans mon enfance et ma jeunesse ont toujours été celles du mal et du péché. Jeanne, tu n’es pas venue pour sauver seulement le dauphin Charles et son royaume. Sauve aussi le jeune seigneur Gilles de Rais ! Fais-lui entendre ta voix. Jeanne, je ne veux plus te quitter. Jeanne, tu es une sainte, fais de moi un saint !

3
 
    Et ce fut la guerre.
    Le vendredi 29 avril 1429, Gilles et Jeanne entrent à Orléans, accueillis par une foule en délire « portant grand nombre de torches et faisant telle joie, comme s’ils avaient vu Dieu descendre parmi eux », écrit un témoin.
    Le mercredi 11 mai, ils se rendent à Loches auprès du Dauphin afin de l’informer officiellement de la libération d’Orléans, et le convaincre d’aller à Reims se faire sacrer roi. Le samedi 18 juin, les Anglais sont écrasés à Patay, et leur chef, John de Talbot, fait prisonnier. Auxerre, Troyes et Châlons se rallient au Dauphin, et lui envoient des cortèges pour honorer son sacre.
    La cathédrale Notre-Dame-de-Reims, c’est le berceau de la monarchie française. La Sainte Ampoule contenant une huile inépuisable est conservée en l’église Saint-Remy. En 496 en effet, Remy la reçut d’un oiseau descendu du ciel pour oindre Clovis, premier roi chrétien. Gilles de Rais a l’honneur d’aller la quérir selon un rituel millénaire {2} . La cérémonie a lieu le 17 juillet 1429. Ayant Jeanne à sa droite et Gilles à sa gauche, le futur roi s’agenouille sur les degrés de l’autel. Les douze pairs du royaume auraient dû l’entourer, mais il y a des absences, des trahisons. Le duc d’Alençon remplace notamment le duc de Bourgogne qui a pris le parti des Anglais. L’archevêque officie. Sire d’Albret tient l’épée. La Pucelle dresse sa bannière. Alençon fait le Dauphin chevalier en l’adoubant. L’archevêque oint et couronne le nouveau roi. Alors Jeanne se jette à ses pieds, embrasse ses genoux, et dit en pleurant : « Gentil roi, voici que la volonté de Dieu est faite qui voulait que tu ailles à Reims pour y recevoir la couronne, afin que tout le monde sache que tu es le seul vrai roi. »
     
    Mais après cette apothéose, il n’y aura plus que retombée, déclin, défaite et horreur. Charles s’abandonne à son apathie naturelle, malgré l’accueil fervent du bon peuple partout où il passe, et les exhortations de Jeanne qui l’engage à marcher sur Paris. D’atermoiements en bavardages diplomatiques, on attend septembre pour attaquer enfin la capitale du royaume. Le 7 enfin douze mille Armagnacs, commandés par Gilles et Jeanne, avec charrettes et chariots de fagots et de fascines destinés à combler les fossés, s’attaquent aux portes Saint-Honoré et Saint-Denis. Jeanne somme les assiégés de se rendre.
    — Rendez-vous vite à nous, de par Jésus, pour faire soumission au roi Charles !
    Du haut des remparts, on lui répond par une giboulée de projectiles et des bordées d’injures.
    — Paillarde, vachère, ribaude ! Si les Armagnacs étaient des hommes, tu parlerais moins de ta pucellerie !
    On franchit le premier fossé qui est à sec. Le second est énorme : cinquante pieds remplis par les hautes eaux de la Seine. Jeanne est la première sur la berge. Elle s’avance dans l’eau en sondant le fond avec la hampe de son étendard pour trouver le meilleur lieu de passage. On y fera basculer les chariots s’il le faut. Les pontonniers s’affairent sous une pluie de flèches et de carreaux. Soudain le porte-étendard de Jeanne a le pied percé par un vireton d’arbalète. Il lève la visière de son casque et se penche vers sa blessure. C’est alors qu’il reçoit un second trait en plein front, et s’écroule en avant. Jeanne ramasse son étendard, mais elle est touchée à son tour au-dessus du genou. Le sire de Gaucourt l’entraîne malgré elle. Elle proteste de toutes ses forces.
    — Il fallait aller outre et passer les fossés ! Paris était à nous.
    Gaucourt
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