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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur
Autoren: Jean Markale
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laisser distancer. Sitôt en haut de la butte, la bête se dirigea du côté où se creusait le plus affreux des précipices et elle y tendit si bien le col que le roi se retrouva suspendu dans le vide. La posture d’Arthur plongea Gauvain et ses compagnons dans une angoisse extrême. Chacun lacérait ses vêtements et se frappait la poitrine avec de si piteuses lamentations que le reste de l’escorte les entendit et, piquant des deux, arriva bientôt au pied de la roche. En levant la tête, tous aperçurent le roi accroché aux cornes du monstre et, à leur tour, se répandirent en plaintes, frémissant de rage inutile. « Hélas ! s’écria Kaï, qui avait rejoint la troupe, voilà un bien grand malheur ! Nous sommes tous perdus si nous perdons Arthur, et personne ne nous pardonnera notre passivité ! » Or, en disant ces mots, il perdit l’équilibre et tomba à la renverse, de tout son long, sur le sol. Quant au roi, toujours suspendu là-haut, il ne savait comment se tirer de ce mauvais pas.
    « Seigneurs ! dit alors Gauvain, il me vient une idée. Entassons tous nos vêtements au-dessous du roi. Ainsi, s’il venait à tomber, sa chute serait amortie, et il en serait quitte pour quelques contusions ! » Sans perdre de temps à discuter, les autres se déshabillèrent et ne tardèrent pas à n’avoir plus un fil sur eux. Ils empilèrent leur récolte au-dessous du roi et furent un peu rassurés : si Arthur tombait, il ne se ferait assurément pas grand mal. Mais quand la bête vit ce qui se passait, elle fit mine de se mouvoir et branla violemment du chef. Ceux d’en-bas poussèrent un cri d’angoisse et de terreur, implorant Dieu de sauver le roi.
    Or, la bête, là-dessus, joignit ses quatre pattes et, d’un bond, sauta au milieu d’eux. Elle laissa alors tomber le roi, toujours cramponné à ses cornes, et les assistants virent avec stupéfaction qu’elle venait de se transformer en un chevalier grand et beau, somptueusement vêtu d’écarlate de la tête aux pieds. Lequel alla s’agenouiller devant Arthur et lui dit en riant : « Roi, tu peux dire à tes gens de se rhabiller. Ils ont très faim, je pense, et ils peuvent se rendre au banquet maintenant qu’une aventure est arrivée ! »
    Persuadé que le roi se serait rompu les membres pour être tombé de si haut, Gauvain, qui s’était précipité, fut fort étonné de le trouver sain et sauf, allègre, souriant et de bonne humeur : « Qui es-tu ? », demanda-t-il au chevalier. Celui-ci se mit à rire bruyamment, puis il répondit : « Je ne le sais pas moi-même, car je revêts tellement d’aspects différents qu’il est bien difficile de choisir celui qui me convient le mieux. – Eh bien ! dit le roi, qui que tu sois ou ne sois pas, viens avec moi à ma cour, parmi mes chevaliers. Je te ferai honneur et te traiterai en ami très cher. – Certainement pas ! s’écria le chevalier. Que dirait mon amie si elle ne me voyait pas revenir en notre logis ? Sache, roi Arthur, que je tiens à elle plus qu’à rien au monde. Peu m’importent la gloire et les honneurs pourvu que j’aie l’amour de celle pour qui je donnerais ma vie. – Dans ce cas, dit Gauvain, pourquoi t’être ainsi joué du roi ? » Le chevalier se remit à rire. « J’ai le droit de me divertir de temps à autre, dit-il enfin, et je crois qu’aujourd’hui je me suis bien amusé tout en accomplissant une bonne action. Vous cherchiez tous une aventure et, la voyant tarder, j’ai fait en sorte de la provoquer. Mais peut-être n’est-ce pas la seule dont vous serez témoins. En attendant, roi Arthur, ordonne à tes hommes de se rhabiller, car ils sont franchement ridicules dans cette tenue ! »
    Sur ce, il tourna les talons et s’engagea dans un étroit sentier qui se perdait sous les frondaisons. Arthur, tout pensif, le regarda s’éloigner : il le vit disparaître dans les buissons comme une brume légère qui se dissipe dans les rayons du soleil. Et le roi ne put s’empêcher de murmurer : « Merlin ! je suis sûr que c’est Merlin. » Puis, se tournant vers les autres, il dit à voix haute : « Compagnons, il est grand temps de gagner ma table ! »
    Gauvain et les chevaliers se rassemblèrent autour du tas de vêtements. Ce fut alors une belle pagaille, car personne ne cherchait à faire le tri. Les uns prenaient une cape, les autres un manteau sans se soucier du véritable propriétaire. Ils se rhabillèrent néanmoins vaille
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