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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur
Autoren: Jean Markale
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de pitié, s’approcha et demanda : « Femme, que se passe-t-il donc ? Pourquoi crier ainsi ? – Seigneur, répondit-elle, viens à mon secours ! À l’intérieur du moulin se trouve une bête monstrueuse qui est venue de la montagne et qui dévore tout mon blé ! »
    Le roi jeta un regard l’intérieur et aperçut une chose qui le stupéfia : plus grosse qu’un taureau, la bête avait le pelage épais et roux, un cou démesuré, une énorme tête hérissée de cornes, des yeux ronds, d’immenses dents, un nez recourbé, d’interminables jambes, et des pieds aussi longs que les landiers d’une forte cheminée. Arthur se signa et mit pied terre. Puis il se couvrit la poitrine de son bouclier et, brandissant son épée, entra dans le moulin sans que la bête parût seulement s’en aviser. L’échine toujours ployée, elle continuait de s’empiffrer plus voracement qu’une truie du blé qui se trouvait dans la trémie. En la voyant si peu troublée par son intrusion, le roi, se fiant à l’apparence, se dit qu’elle n’était pas bien farouche puisqu’elle n’avait cure de se défendre. Il lui cingla les flancs du plat de son épée : elle ne bougea pas pour autant. Il se plaça alors devant elle et fit mine de la frapper, mais elle ne paraissait pas même le voir. Posant son bouclier et rengainant sa lame, il empoigna le monstre par ses cornes longues et plates, tira dessus, les secoua, les tordit mais, tout grand, massif et vigoureux qu’il fût, rien n’y fit. Il ne réussit pas l’ébranler. Alors, il voulut brandir le poing afin de l’assommer, mais il eut beau s’agiter, se démener, ses mains ne se détachaient pas plus des cornes que si elles y eussent été clouées.
    Comprenant que son adversaire était bel et bien pris, la bête se mit alors en branle, sortit du moulin et s’engagea bien doucement, d’un pas bien tranquille, sur le chemin qui traversait la forêt, sans s’inquiéter du roi plus que d’une plume. Or, Gauvain, qui, avec deux compagnons, avait jugé bon de suivre Arthur de loin et de se poster en observation sur une éminence, aperçut l’étrange spectacle du monstre placide qui emportait, suspendu à ses cornes, le souverain éperdu de rage et de dépit. Il en faillit d’abord perdre le sens, mais il finit par s’écrier d’une voix forte : « Chevaliers, il nous faut aller au secours du roi ! Par Dieu ! que nul ne s’esquive ! qui n’ira pas le secourir se verra exclu à jamais de la Table Ronde. Nous serons tous tenus pour des lâches et des traîtres si, par malheur, le roi périt faute de secours ! »
    Abandonnant aussitôt son observatoire, il se rua au galop contre la bête sans attendre aucune réponse, et il abaissait déjà sa lance afin de frapper l’adversaire à la tête quand le roi se mit à crier : « Gauvain ! ne touche pas cette bête, par pitié ! car si tu la frappes, elle m’entraînera dans sa chute, et je risque fort d’y perdre la vie ! Si tu l’épargnes, j’ai une chance de m’en tirer. Après tout, j’aurais pu la tuer moi-même tout à l’heure, et je ne l’ai pas fait. Plaise au Ciel qu’elle s’en souvienne et m’accorde mêmes égards ! Avertis mes gens de ne la point frapper ! – Mon oncle, répondit Gauvain en pleurant, comment pourrais-je supporter de rester là sans rien faire, au risque de te voir mourir sous mes yeux ? – Beau neveu, reprit Arthur, la meilleure façon de me défendre est encore de laisser faire la bête ! »
    Enragé par son impuissance, Gauvain jeta sa lance au sol, détacha son bouclier de son cou et l’envoya violemment au loin. Il déchirait ses vêtements et s’arrachait les cheveux de ses deux mains et de toutes ses forces quand ses deux compagnons, Tristan de Lyonesse et Yvain, fils d’Uryen, le rejoignirent. Ils piquaient des deux, lance baissée, prêts à frapper. « Seigneurs ! s’écria Gauvain en levant les bras, arrêtez, je vous en prie ! Épargnez la bête, ou le roi risque d’en mourir ! – Mais qu’allons-nous faire ? demanda Tristan. – Suivons la bête et observons comment elle se comporte. Nous n’interviendrons qu’en cas de nécessité ! »
    Or, la bête s’en allait, tranquille et indifférente, semblait-il, à la présence des trois chevaliers. Mais soudain, telle une hirondelle en plein vol, elle escalada si vivement une roche arrondie, haute, raide et escarpée que Gauvain et ses compagnons eurent bien du mal à ne pas se
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