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Fiora et le Magnifique

Fiora et le Magnifique

Titel: Fiora et le Magnifique
Autoren: Juliette Benzoni
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de tissus sombres qui, d’un même mouvement,
rejetèrent leurs manteaux et firent apparaître, vêtue d’oripeaux bariolés, la
plus étrange collection de figures de cauchemar que puisse rêver un cerveau
pris par la fièvre : vieilles édentées aux lèvres rentrées, hommes
contrefaits aux yeux luisants sous des tignasses sales, femmes encore jeunes
mais flétries par la débauche, ceux de Fontelucente et quelques-uns de leurs
pareils se tenaient là, immobiles et silencieux comme des gargouilles de
cathédrale, à peine moins repoussants que le maître qu’ils s’étaient donnés.
    Cependant,
l’homme à la torche la plantait en terre, s’éloignait et reparaissait avec un
drap noir qu’il jeta sur la pierre puis deux chandeliers de fer, garnis de gros
cierges en cire noire qu’il alluma. Une épaisse fumée âcre se dégagea et monta
vers la tête de l’idole. Alors une mélopée se fit entendre, émise par les
bouches closes des sorciers, sourde d’abord mais qui allait en s’amplifiant et
sur son rythme lent, hommes et femmes se mirent à se balancer avec ensemble, de
gauche à droite, sans cesser de tenir leurs regards fixés devant eux et leurs
mains croisées sur leurs genoux. Cela donnait un grondement vaguement musical
qui s’étendait sur la prairie avec les lourdes volutes de fumée. Peu à peu le
champ commençait à s’animer...
    Par
deux, par trois ou isolément, des gens masqués sortaient des bois et des
murailles effondrées. Quand ils ouvrirent leurs manteaux, Fiora dont les yeux
dilatés ne manquaient pas un détail, vit qu’il y avait là des paysans, hommes
ou femmes, des vieillards en robes noires et usagées dont les fronts dégarnis
et les yeux fatigués trahissaient les longues veilles à la recherche d’introuvables
secrets, des mendiants parmi lesquels elle crut bien reconnaître Bernardino,
des garçons jeunes et robustes et quelques jolies filles. Avec stupéfaction,
elle nota aussi la présence de trois femmes masquées dont les vêtements luxueux
trahissaient une haute condition et de quelques hommes, masqués eux aussi, en
habits brodés. Mais le plus extraordinaire était l’espèce de fraternité qui
mêlait tous ces gens, une dame entre un mendiant loqueteux et un paysan avec,
au fond de leurs yeux, la même attente.
    Les
flammes des bûchers dans lesquelles on avait jeté de la résine donnaient une
lumière jaune qui uniformisait les visages. Impassibles, les sorciers se
balançaient toujours en chantant leur mélopée lente et lugubre et qui semblait
n’avoir pas de fin mais que les arrivants reprenaient avec eux en même temps
que le balancement qui devenait général. Fiora, fascinée, dut se cramponner aux
branches qui la masquaient pour ne pas faire comme eux mais l’épine d’une ronce
en traversant son gant secoua cette espèce d’envoûtement...
    Soudain,
un son grave et profond se fit entendre, semblable à celui que produit un gong
et, instantanément, le silence se fit. Un cortège sortait des ruines...
    En
tête, portant une croix à laquelle était attaché le cadavre d’un chien venait
un Noir athlétique vêtu d’une chasuble écarlate dont les fentes laissaient
entrevoir son corps luisant comme un bronze. Derrière lui venaient deux jeunes
filles à peine vêtues de tuniques blanches transparentes. Elles étaient
couronnées de lierre et l’une portait un encensoir cependant que l’autre
élevait entre ses mains une coupe pleine de grains de blé et d’olives noires.
Un homme qui avait l’air d’un prêtre fermait la marche.
    Il
portait une réplique exacte de la chasuble d’un officiant chrétien. La sienne
était blanche, doublée d’écarlate et brodée de longues flammes noires. La croix
y était remplacée par une tête grimaçante. Une sorte de casque noir, étroit,
orné de deux cornes enserrait sa tête barbue et il tenait en main un calice
recouvert d’un voile rouge. Sur son passage, les sorciers se levaient et s’inclinaient.
Ils s’écartèrent de l’autel, puisqu’il fallait bien l’appeler ainsi, pour se
ranger en deux lignes aux deux ailes de l’assistance.
    Le
prêtre alla poser son calice sur l’autel puis, tombant à genoux, leva les deux
bras vers la statue démoniaque et s’écria d’une voix forte :
    – Père
du mal et du péché, père du vice et du crime, Satan, dieu du plaisir et de la
richesse, source éternelle de virilité et des passions interdites, maître des
luxurieux et des fornicateurs,
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