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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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fasse la classe... expliqua Elisabeth en s'assoyant pour enfiler les bas.
    —    Comme c'est curieux, le couvent Notre-Dame se
    trouve juste de l'autre côté, au coin de la rue de la Couronne.
    —    Je sais, nous sommes passés devant en arrivant. Il a expliqué à la mère supérieure qu'il craignait les maladies.
    —    Oh! Avec sa femme toujours alitée, je comprends...
    Dans une petite ville comme Québec, personne ne devait ignorer les aléas de la vie conjugale du plus important commerçant de détail. Peut-être à cause de l'assurance que lui conférait une belle jupe d'un bleu sombre lui tombant jusqu'aux chevilles, Elisabeth Trudel s'enhardit jusqu'à demander :
    —    De quoi souffre-t-elle, exactement ?
    —    Du cœur, selon ce que l'on raconte. Après la naissance de son petit garçon, elle ne s'est jamais remise. En fait, d'après ce que j'ai entendu, depuis quatre ans elle n'a jamais mis les pieds dans le magasin, et on ne l'a pas vue à l'église plus d'une demi-douzaine de fois.
    Après une pause, la vendeuse continua :
    —    Je vais revenir dans une minute avec trois chemisiers. Comme cela, vous pourrez en changer régulièrement... Le patron vous a dit quel montant il vous autorisait à dépenser?
    —    Non. Il a juste précisé que le coût des vêtements sera pris sur mon salaire.
    —    Comment se fait-il que je ne sois même pas surprise?
    La minute s'allongea jusqu'à en faire quarante, car des clientes interrompirent la recherche de Marie Buteau. Quand elle rouvrit la porte de la salle d'essayage, ce fut pour découvrir une jeune préceptrice commettant un péché d'orgueil : elle admirait la silhouette renvoyée par le grand miroir.
    —Je n'ai jamais rien porté d'aussi beau, expliqua-t-elle en guise d'excuse, toute rougissante.
    —    Moi non plus, répondit la jeune employée, un peu dépitée. Je pense que ceci complétera bien l'ensemble.
    Du néant, la garde-robe d'Elisabeth Trudel devenait étonnamment riche : trois corsages, deux jupons en plus de celui qu'elle portait déjà, une veste et un paletot qui serait très bientôt hors saison et un petit chapeau qui devançait un peu l'été. Une paire de bottines de cuir souple, boutonnées haut sur la jambe, complétait le tout.
    Quelques minutes plus tard, deux sacs de papier brun dans les bras, la jeune fille regardait les vêtements qui avaient accompagné sa vie de couventine toutes ces dernières années, hésitant sur le sort à leur réserver.
    —    Monsieur Picard a raison : autant jeter tout cela. Vous ne ressemblez plus à une élève.
    D'un regard vers le grand miroir, Elisabeth s'en assura, puis consentit dans un soupir :
    —    Autant les laisser là, dans ce cas... Mais mes chaussures...
    —    Elles ne valent pas mieux que le reste. Suivez-moi, je vais vous montrer où se trouve le bureau du directeur.
    À la suite de la jeune vendeuse, Elisabeth retraversa le rayon des vêtements pour dame, ceux des chaussures et des chapeaux, pour déboucher sur un passage percé à même le mur de l'édifice.
    Cela donne sur l'ancien magasin, juste à côté. Jusqu'à il y a cinq ou six ans, toutes les affaires se faisaient là. Mon père me racontait que dans l'ancien temps, l'établissement Picard se limitait à un gros magasin général. Depuis plus de trente ans, le commerce grandit avec la ville, plus vite même.
    De l'autre côté du passage, elles entrèrent au dernier étage de la bâtisse construite en 1875, où se trouvaient maintenant les locaux de l'administration de l'entreprise. Marie Buteau frappa légèrement à la porte d'une pièce puis ouvrit en entendant un «Oui, qu'est-ce que c'est?» sonore.
    —    Mademoiselle Trudel est prête, déclara-t-elle en s'avançant jusqu'au lourd bureau pour remettre à Thomas Picard une feuille de papier.
    L'homme la parcourut rapidement, examina ensuite sa nouvelle employée des pieds à la tête d'un œil inquisiteur, avant de conclure :
    —    Mademoiselle, vous venez de dépenser vos gages jusqu'en août, même en vous débitant ces vêtements au prix coûtant... Cependant, vous pouvez considérer cela comme un investissement profitable. Veuillez vous asseoir sur cette chaise près de la porte, je suis à vous dans un instant. Mademoiselle Buteau, vous pouvez retourner derrière votre comptoir.
    L'employée sortit après un hochement de la tête. Elisabeth Trudel occupa le siège qu'on lui avait indiqué. Pendant
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