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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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prétentieuses, ces supposées « grandes familles » de Québec toutes un peu consanguines, commenta Wilfrid Laurier. Pourtant, elles ne devraient pas : ce qui gâche la race d'un cheval ne vaut pas mieux pour les hommes. Surtout, si vous grattez un peu, la plupart sentent encore le fumier. Tous les Canadiens français ont cultivé la terre.
    Le politicien, calé dans un fauteuil de cuir, buvait son whisky à petites gorgées. Mieux valait en profiter, dans dix jours se tiendrait un référendum sur un projet de prohibition de la vente d'alcool dans tout le Canada. Heureusement, la victoire du oui serait si courte que le politicien se sentirait autorisé à ne pas adopter la loi.
    Les deux hommes se trouvaient dans la bibliothèque de la grande maison des Picard, rue Scott. Lassé de se faire interpeller par la douzaine d'invités, le premier ministre avait plaidé des affaires urgentes à traiter pour se retirer un moment avec son hôte.
    —    Les Taschereau semblent avoir oublié leur passé de cultivateurs, remarqua le commerçant avec un sourire en coin.
    —    C'est à cause du cardinal dans la famille. L'encens leur monte à la tête.
    Thomas but une gorgée pour cacher son agacement, puis commenta encore :
    —    Le croirez-vous, ma femme a laissé sa carte chez une vingtaine de voisines l'été dernier, lors de notre arrivée dans cette rue. Personne n'a donné suite.
    Dans son précieux opuscule, la baronne de Staffe recommandait aux nouveaux venus dans un milieu de laisser leur carte aux voisins, pour signifier à la fois leur désir de les recevoir, et d'être reçus. Dans un pays de tradition anglaise comme le Canada, cela permettait, dans un premier temps, de- prendre le thé ensemble.
    —    Pourtant, remarqua le politicien, elle a été élevée chez les ursulines, tout comme ces femmes.
    —    En tant que boursière. Cela fait toute la différence du monde.
    Laurier secoua la tête devant une manifestation d'esprit de caste aussi obtuse.
    —    Mais votre présence ici ce soir devrait nous rendre un peu plus fréquentable, conclut le marchand en posant son verre vide sur le guéridon.
    —    Alors rejoignons les kshatriyas, déclara son interlocuteur en faisant de même.
    L'homme montrait ainsi sa connaissance du système des castes de l'empire des Indes. Les kshatriyas qui se trouvaient dans le grand salon étaient les détenteurs du pouvoir politique. Le vaisyas, ou marchand, le suivit.
    En sortant de la bibliothèque, ils traversèrent le corridor pour passer au salon. Cette pièce donnait aussi rue Scott. De grandes portes françaises s'ouvraient sur un second salon, plus féminin celui-là. En utilisant ainsi les deux pièces, il devenait possible de recevoir une nombreuse compagnie.
    Quelques minutes plus tard, Wilfrid Laurier offrit son bras à Elisabeth pour passer à la salle à manger, de l'autre côté du couloir. Thomas fit de même avec lady Zoé. Au cours du premier service, le politicien évoqua les charmes respectifs des paroisses de Saint-Lin, le lieu de sa naissance, et de Saint-Prosper. Quelle façon charmante de faire un pied de nez aux snobs assis autour de la table ! Le maire de Québec, Simon-Napoléon Parent, profita d'une pause de leur conversation pour déclarer:
    —    Dans dix ans, ce sera le trois centième anniversaire de la fondation de Québec. Il conviendrait de se préparer déjà à célébrer l'événement avec panache.
    —    Dans dix ans, j'aurai eu trois occasions de perdre des élections. Discuter de cela aujourd'hui me paraît tout à fait prématuré.
    —    Voyons, vous battrez Macdonald, quant à la longévité politique.
    Un peu pour éviter à son époux de devoir exprimer plus clairement encore son désintérêt pour une fête qui aurait lieu dans dix ans, lady Laurier attira l'attention sur des questions plus intimes :
    —    Monsieur Picard, je suis allée ce matin dans un très joli commerce de vêtements rue de la Fabrique. Le propriétaire se prénomme Alfred. C'est un parent à vous ?
    —    Mon aîné.
    —J'en étais certaine. Non seulement il vous ressemble un peu, mais son fils aussi. Vous ne pourriez pas les renier.
    Thomas choisit ce moment pour porter son verre de vin à ses lèvres, le temps de retrouver sa contenance. Aussi ce fut
    Elisabeth qui commenta :
    —    La lignée de Théodule se reconnaît entre toutes. Edouard aussi a ces traits.
    —    Votre belle-sœur est tout à fait
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