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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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compte. Elisabeth s'habituait lentement à l'idée de sa future prospérité.
    —    Il y a un endroit très bien sur la rue Grant. Tu viendras tous les matins pour t'occuper d'Edouard, comme d'habitude.
    —    Tu as déjà tout arrangé ?
    —J'y suis passé tout à l'heure.
    Devant la figure dépitée de sa compagne, l'homme précisa:
    —    Cela ne me plaît pas plus qu'à toi, mais le curé paraît y tenir. Si cela peut nous valoir un mariage rapide, et ensuite la paix... Cela durera tout juste cinq semaines.
    Dans la soirée, Élisabeth Trudel prit possession d'une petite chambre dans la pension de madame Giguère. Le dimanche suivant, au moment de la lecture du premier ban, celle-ci trouverait amusant d'avoir abrité successivement et à quelques mois d'intervalle, les promises des deux frères Picard.
    Le soleil des premiers jours de juin chauffait les pavés. Elisabeth avait interrompu les exercices d'écriture d'Edouard pour se livrer à une petite promenade dans la ville. Depuis que le garçon profitait seul de toute son attention, ses progrès devenaient rapides.' Bientôt, tous les livres de contes lui seraient accessibles sans aide... ce qui ne signifiait nullement qu'il se priverait du plaisir de les entendre à haute voix.
    Quand ils arrivèrent rue de la Couronne main dans la main, le garçon lui demanda encore :
    —    Tu es certaine qu'il n'y a pas de chevaux?
    —    Bien certaine. Tu as vu les fils tendus au-dessus de la rue ? C'est pour l'électricité.
    Depuis une semaine, les tramways de la ville de Québec roulaient sans la traction animale. Bientôt, depuis le trottoir, Edouard regarda la voiture de bois s'approcher, silencieuse, puis s'arrêter dans un crissement de métal. Une tige de fer sortait du toit, pour entrer en contact avec un fil.
    —    Nous montons ?
    Le garçon demeurait bouche bée devant cette merveille. A la fin, il gravit les deux marches donnant accès à la plateforme du véhicule. Alors que la jeune femme payait le passage, il demanda au conducteur:
    —    Où est le moteur ?
    —    Juste sous tes pieds.
    Edouard regarda les planches soigneusement jointes, songeur. Ensuite, il s'installa près de la fenêtre sur une banquette de bois, Élisabeth près de lui. Si le moteur électrique n'émettait qu'un faible bruit, cela ne présentait pas qu'un avantage. Privés du claquement des sabots pour les prévenir, des passants traversaient la rue sans prendre garde. Aussi le conducteur donnait des coups de pieds sur une petite pédale afin de faire entendre une cloche. Avant que les gens ne prennent l'habitude de ces étranges machines, le « ding ding» résonnerait de façon quasi ininterrompue.
    Ce jour-là, ils parcoururent de nouveau le chemin jusqu'à la librairie Garneau. Le tramway grimpa la Côte-d'Abraham sans trop de difficultés. Ils montèrent dans une seconde voiture rue Saint-Jean, puis convinrent de continuer à pied dans la rue de la Fabrique. A mi-pente, Elisabeth remarqua les travaux effectués dans un commerce. Quelqu'un traçait le mot «ALFRED» en grandes capitales dorées sur fond bleu, au-dessus de la porte et des vitrines.
    —    Regarde, c'est le magasin de ton oncle.
    —    Il ne travaille plus pour papa ?
    —Je crois qu'il quittera son emploi à la fin de la semaine.
    Des débris d'étagères et de vieux papiers peints arrachés aux murs s'entassaient dans des charrettes. L'endroit prenait lentement de nouveaux airs de jeunesse. Arrivé rue Buade, Edouard connut le plus grand moment d'exaltation de sa jeune existence. Une autre voiture sans chevaux passait devant ses yeux, bien plus petite qu'un tramway, considérablement plus bruyante et malodorante aussi. Elle laissait derrière elle une odeur répugnante d'essence à moitié brûlée.
    —    C'est une... fit-il, à court de mots.
    —    Une automobile, si je me souviens bien des magazines que j'ai lus.
    —    Je ne savais pas qu'il y en avait à Québec.
    Dans une pétarade qui rendait les chevaux terriblement nerveux, le docteur Henri-Edmond Casgrain tourna le coin de la rue pour se perdre derrière l'hôtel de ville.
    —    Moi non plus, je ne savais pas. Le vingtième siècle se trouve déjà là, avec trois ans d'avance. Mais je préfère le tramway.
    —    Moi, l'auto : on n'a pas besoin de rails. Tu crois qu'il y aura des livres sur le sujet, maman ?
    Quand elle lui disait que c'était trop tôt pour l'appeler ainsi, il répondait
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