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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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léger serait prêt. Avant de sortir de la pièce, Marie regarda par la fenêtre. Ses yeux se posèrent un moment sur une grande bâtisse de brique rouge, dont les fenêtres à cadre de pierre blanche affichaient un style vaguement gothique : la maison Béthanie.
    —    Oh! murmura-t-elle. Je n'avais pas réalisé que c'était si proche.
    Alfred prit sur lui de refermer la porte de la cuisine, puis la conduisit vers une pièce donnant sur la rue de la Fabrique, un salon aux proportions un peu étonnantes. Il se révélait large de moins de dix pieds, mais profond d'une vingtaine.
    —    Tu n'iras pas de l'autre côté, de toute façon, expliqua-t-il. Ta vie se déroulera dans ce salon et dans la chambre à côté. Cette usine à malheurs ne te concerne plus.
    —    Au contraire, chaque fois que je te trouverai insupportable, je me planterai devant la fenêtre à l'arrière pour me souvenir de ton bon cœur.
    En s'appuyant sur les bras pour soutenir son poids, elle se cala dans un vieux fauteuil démodé. L'homme se pencha sur elle pour l'embrasser, puis chuchota :
    —    Je tenterai de rester dans les limites du supportable. Je vais chercher du thé glacé, les dernières minutes t'ont mise en nage. C'est difficile de transporter deux personnes.
    Pendant son absence, Marie se perdit dans la contemplation du bout de la rue visible depuis son siège. Sur la droite, elle apercevait le dernier étage et les toits du nouvel hôtel de ville, à gauche, rue Buade, la librairie Garneau. En se collant le front à la vitre, en diagonale, elle aurait aperçu la cathédrale.
    En recevant la boisson froide, la jeune femme demanda :
    —    Tu as joué ton rôle de père, ce matin?
    —    Le registre des mariages de la paroisse Saint-Roch porte ma signature.
    —    Comment a été la cérémonie ?
    Jamais Marie ne se serait astreinte à se rendre au mariage de Thomas Picard, mais sa curiosité demeurait vive.
    —    Exactement comme la nôtre : rapide et ennuyante. Si tu ajoutes les habits de deuil pour l'époux et ses deux enfants, le vicaire Buteau et son visage de geôlier, toutes les funérailles auxquelles j'ai assisté dans ma vie paraissaient joyeuses, en
    comparaison.
    Pour un veuf qui venait d'enterrer sa première épouse, la plus grande discrétion s'imposait. Aucune cérémonie un peu ostentatoire n'aurait passé la censure paroissiale. Alfred ne jugea pas utile de commenter le faciès déprimé de la fillette. Au moins, elle n'avait pas dit un mot. Si elle avait encore formulé ses accusations, cela aurait fait avorter les épousailles.
    —    Qui a servi de témoin à Elisabeth ?
    —    Tu ne devineras jamais...
    L'homme présentait un visage amusé. Comme Marie demeura silencieuse, peu désireuse de jouer aux devinettes, il répondit après une pause :
    —    Napoléon Grosjean. Plus seule au monde que cela...
    —    ... et tu as droit au vicaire Emile Buteau pour signer le registre.
    La morosité de la jeune femme ne dura pas. Bientôt, elle déclara en changeant de posture sur le fauteuil, pour soulager un peu la douleur vive qui lui vrillait les reins :
    —    Tu sais, je commence à penser que ce petit commerce nous rendra heureux. Quand le bébé sera là, je reprendrai ma place derrière le comptoir. Et toi, à deux pas, tu seras en train de vendre un costume complet à une dame venue s'acheter un petit mouchoir.
    Alfred quitta son siège pour venir poser ses lèvres sur son front.
    Le matin du 5 juillet, le nouveau magasin de la rue de la Fabrique recevait ses premiers clients. Des encarts dans l'Evénement et Le Soleil clamaient que la marchandise serait écoulée au prix coûtant toute la semaine. Au bout du compte, cela signifiait vendre à perte, une fois les frais courants de l'établissement couverts.
    —    Mais nous créons une habitude, expliqua Alfred en justifiant une nouvelle fois sa stratégie devant son déjeuner. Tout le monde saura où nous sommes.
    —    Tu es le spécialiste, abdiqua Marie après un moment. Nous verrons cela au moment de faire le bilan, le 31 décembre.
    Résolue à incarner la raison auprès d'un époux volontiers fantaisiste, la jeune femme ne s'en faisait toutefois pas outre mesure. Le «prix coûtant» avait tout de même été un peu majoré. Quand le nouveau commerçant revêtit sa veste vers huit heures trente, afin d'aller ouvrir à ses jeunes vendeuses, il la regarda attentivement et demanda, un peu inquiet
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