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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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invariablement qu'il se «pratiquait».
    —    Allons nous informer.
    Elisabeth tendit la main au garçon. Ensemble, ils pénétrèrent dans le commerce.
    Quand Marie Buteau quitta la vieille maison de la rue Saint-Dominique pour la dernière fois, en fin de journée du 25 juin 1897, elle se trouvait à quelques jours d'accoucher. La plupart des meubles restaient sur place. Le nouveau propriétaire de la demeure en profiterait. Gertrude porta l'une de ses petites valises jusqu'au fiacre, elle s'occupa de l'autre.
    —    Cette demeure vous manquera-t-elle ?
    La jeune femme ne pouvait se convaincre de tutoyer une personne plus âgée qu'elle, fut-elle domestique. Sa réticence était d'autant plus grande que Gertrude l'appelait «Madame».
    —    Pourquoi ? Cela n'a jamais été chez moi.
    —    Vous y avez habité pendant vingt ans.
    —    Croyez-vous que ce furent des années heureuses ?
    Au fil des mois, Marie en avait appris assez pour savoir que servir une maîtresse comme Euphrosine Picard réservait peu de moments de bonheur. Mais à ce compte-là, le service domestique, quel que soit l'endroit, ne devait jamais amener à de bien grandes félicités.
    —    La difficulté avec moi, confessa la jeune femme, c'est que je crains toujours que le nouvel endroit soit pire que le précédent.
    —    Peut-être serait-il temps que vous appreniez que les choses peuvent aussi s'améliorer.
    —Je m'y efforce.
    Le fiacre emprunta la Côte-à-Coton pour accéder à la Haute-Ville. Après quelques minutes, le cocher arrêta son cheval dans la rue de la Fabrique. Alfred s'empressa d'aider sa femme à descendre, prit l'une des valises, la domestique insistant pour porter l'autre. Un charretier vint se faire payer ses services juste à ce moment: plus tôt dans la journée, il avait amené les livres, les vêtements, la literie et quelques meubles dans le nouveau logis.
    Puis le futur commerçant ouvrit la porte du magasin pour faire entrer les deux femmes et verrouilla derrière elles. Malgré les mots «Ouverture prochaine» écrits avec de la peinture blanche sur les vitrines, des passants testaient régulièrement la poignée. Les plus curieux collaient leur front contre les grandes vitres afin de voir à l'intérieur.
    —    C'est magnifique, n'est-ce pas ?
    Les comptoirs, les étagères et les étals demeuraient très sombres, mais les murs et le plafond offraient de grandes surfaces blanches, soulignées par des moulures dorées.
    —    Et regarde les ampoules.
    Il joua un moment avec les commutateurs. L'éclairage au gaz reculait partout devant l'électricité, mieux avait valu faire ce passage tout de suite.
    —    Il faut traverser tout le magasin pour se rendre au logement? demanda Gertrude, plutôt horrifiée à cette perspective. Ce sera joli, quand je reviendrai du marché avec un poisson, ou mieux encore, une volaille vivante.
    —    Mais non, il y a un escalier à l'arrière qui dorme sur la ruelle.
    Elle renifla pour exprimer son dépit de devoir bientôt monter jusqu'au second étage en claudiquant, un panier rempli de provisions à la main, mais n'ajouta pas un mot.
    Dans le grand espace du rez-de-chaussée, Alfred consacrait depuis plusieurs jours ses efforts à placer des vêtements féminins sur les étagères, les cintres et les présentoirs. Un peu partout, des cartons ouverts débordaient de marchandises. En quittant le grand magasin Picard, il avait débauché pour l'aider deux jeunes vendeuses d'une quinzaine d'années, parmi les plus délurées.
    —Je visiterai une autre fois, décréta Gertrude en s'engageant dans l'escalier. Quelqu'un doit préparer le repas.
    —    C'est vrai que c'est un peu haut pour elle, fit remarquer Marie en faisant allusion à la claudication de la domestique.
    —    Et encore plus pour une femme enceinte de quatre-vingt-dix-huit mois, rétorqua son mari en riant.
    La jeune femme posait une main sous son ventre, comme pour alléger un peu le poids, et elle marchait en se dandinant. Pourtant, elle tint à parcourir tout le rez-de-chaussée, puis le premier étage. Au moment de monter au logement, la fatigue lui coupait les jambes. Dans le hall, elle apprécia les petites fleurs du nouveau papier peint, l'éclairage électrique partout, les sanitaires neufs. Un instant, elle entra dans la cuisine pour demander :
    —    Tout cela vous convient, Gertrude ?
    —    Cela ira, grommela celle-ci.
    Dans une heure, un repas
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