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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch
Autoren: Jean-Pierre Charland
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plusieurs minutes, Thomas Picard s'absorba dans un grand registre de comptes. Toutefois, régulièrement il levait les yeux afin de contempler le résultat de la métamorphose vestimentaire de sa nouvelle recrue. Du bout des bottines vernies qui émergeait du froufrou d'un jupon blanc et d'une jupe de serge bleue jusqu'à la taille fine, de la ceinture de cuir au corsage blanc ivoire boutonné jusqu'au cou, la couventine honteuse avait cédé la place à une jeune femme timide, élancée. Le visage demeurait immobile, les yeux rivés sur le tapis qui ornait le centre de la pièce. Les cheveux blonds, noué sur la nuque avec un ruban de velours, le petit chapeau de paille un peu trop estival pour un jour de mai, complétaient le tout. Maintenant, elle aurait pu passer sans mal pour la fille d'un marchand du quartier Saint-Roch.
    Si Elisabeth gardait les yeux baissés, elle sentait néanmoins le regard de son patron. Après un moment, le rose aux joues, elle se surprit à raidir le dos et à cambrer les reins.
    Au moment de sortir rue Saint-Joseph avec ses achats, Elisabeth Trudel constata que les ombres des passants s'allongeaient sur les trottoirs. Il devait être dix-sept heures. Les magasins, grands et petits, demeureraient ouverts au moins une bonne heure encore, peut-être deux ou trois si les clients se révélaient nombreux. La jeune femme emboîta le pas à Thomas Picard. L'homme traversa la rue en diagonale, longea les murs gris de l'église Saint-Roch jusqu'au coin de la rue de la Chapelle, pour emprunter celle-ci vers le nord. Après un pâté de maisons, il s'engagea dans la rue Saint-François pour se diriger vers une grande bâtisse de brique rouge, un cube sans élégance aucune.
    Le commerçant gravit quelques marches, ouvrit la porte et s'effaça pour laisser passer la jeune femme devant lui. Elisabeth se retrouva dans un couloir sombre et poussiéreux. Sur la droite, des portes françaises s'ouvraient sur un salon bourgeois.
    —    Laissez vos affaires ici, nous montons à l'étage...
    —    Oh ! Monsieur, c'est vous !
    Ces paroles venaient d'une femme obèse débouchant d'un pas rapide dans le couloir pour se diriger vers eux.
    —    Qui voulez-vous que ce soit, Joséphine? Beaucoup de visiteurs entrent comme cela dans la maison, sans frapper, quand je suis absent?
    —    ... Non, Monsieur. Bien sûr que non !
    Thomas Picard avait posé sa canne dans un étroit cylindre fabriqué d'une feuille de cuivre, réservé à cet effet, et accroché son chapeau melon au mur. Il continua :
    —    Savez-vous si ma femme est réveillée ?
    —Je suppose, je lui ai monté du thé il y a quelques minutes à peine.
    Cette fois, ce fut en se tournant vers sa nouvelle employée que le commerçant répéta :
    —    Montez avec moi.
    Alors qu'ils s'engageaient dans l'escalier donnant juste devant la porte d'entrée, la grosse femme s'avança, s'assura que personne ne la regardait puis se pencha sur les deux grands sacs de papier brun laissés sur le plancher.
    —    Eh bien ma poule, grommela-t-elle, tu ne te prives de rien : habillée des pieds à la tête par le patron !
    À l'étage, Thomas Picard se dirigea vers une porte au fond du couloir, frappa un coup léger et attendit le mot «Entrez» avant d'ouvrir. Un instant plus tard, la jeune fille pénétrait la première dans une chambre confortable. Un lit défait encombrait la moitié de la pièce. L'occupante des lieux prenait place dans un fauteuil recouvert de tissu pastel. A ses côtés, une petite table ronde recevait un plateau où une théière et une tasse achevaient doucement de refroidir. À côté, un biscuit à moitié rongé témoignait du manque d'appétit de cette femme.
    —    Alice, voici la jeune personne que ton amie, chez les ursulines, nous recommande. Elisabeth Trudel.
    —    ... Madame, je suis enchantée... commença cette dernière en esquissant une révérence maladroite, pour s'interrompre bientôt car ses cours de bienséance la laissaient complètement perdue dans une situation de ce genre.
    Alice Picard examinait la nouvelle venue en se mordant la lèvre inférieure. La chaleur, surtout pour une personne toujours revêtue de son paletot, était difficile à supporter. Dans la cheminée, quelques gros morceaux de charbon brûlaient en rougeoyant.
    —Tu crois que c'est nécessaire? murmura la malade.
    Agée d'une trentaine d'années, elle offrait un visage très pâle, presque émacié. Entre ses
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