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Edward Hopper, le dissident

Edward Hopper, le dissident

Titel: Edward Hopper, le dissident
Autoren: Rocquet
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semble que ce thème, lorsqu’il n’est pas seulement anecdotique, décoratif,
a pour fin de « mettre en abîme » la toile qui est l’œuvre du peintre et l’art de la peinture, ou tel rapport significatif du peintre avec tel autre peintre, avec lui-même, ou telle école de peinture.
    Mais le « tableau dans le tableau » peut ne porter aucune « image », sinon invisible pour celui qui regarde l’œuvre réelle, actuelle. Nous ne voyons pas ce que représente la toile qui, peut-être, ne représente rien encore, vierge, pure blancheur, neige intacte, et nous imaginons . Cette vision-là, imaginaire, n’est pas la moins puissante de toutes les visions, la moins riche de sens. La toile dont, sur la toile réelle que nous regardons, nous ne voyons que l’envers, l’ombre, pourrait être la métaphore de ce que la peinture est en son essence : par le visible, l’au-delà du visible ; comme, au-delà de cette vie, mortelle, une autre vie, la vraie vie. Parfois, quand il s’agit d’un autoportrait, le revers de la toile est censé être analogue, identique, au tableau que le peintre, devant un miroir, palette et pinceau en mains, est en train de peindre : nous voyons achevé ce qui, sur la toile dont nous ne voyons que le dos, est à venir.
    Hopper ne pouvait ignorer les autoportraits de Poussin. Il n’a pu manquer d’être captivé et instruit par cette disposition de cadres et de toiles dans l’atelier où Poussin se regarde sans doute dans un miroir et comme s’il regardait le tableau qui le représente : devant nous, et en même temps que nous. C’est aux autoportraits de Poussin que je pense devant le tableau que peint Hopper en 1954 et qu’il intitule City Sunlight (« Soleil dans la ville »). Une femme chez elle, assise devant une table ronde dont le haut d’une chaise contrarie la courbe, l’arrondi, bras nus, chevelure flottante un peu rousse, vêtue de rose, légèrement, regarde vers une fenêtre ensoleillée et voit un paysage ou une scène hors champ. Derrière elle, une autre fenêtre et tout un jeu de rectangles, un carré, vitres, bois, encadrements, rideaux, stores. En fait, il ne s’agit pas seulement, semble-t-il, de l’une des fenêtres de la pièce où la femme est assise ; mais, à travers cette fenêtre, comme superposée à celle qui nous est proche, d’une fenêtre de l’immeuble voisin, de l’autre côté de la rue (une rue très étroite). Ce qui produit un jeu subtil, une fugue , d’un carré et de rectangles. Certains diraient : quelque chose comme un Mondrian. Un rectangle noir, vertical, où se dessine en partie le profil de la
femme, est un étrange pan de nuit dans cette composition dédiée au soleil. Sur la table, un vase vide – s’il s’agit d’un vase. Sur le fauteuil gris, la douceur d’un coussin bleu.
    CHAPITRE 5
    1
    Le 48 de la rue de Lille est toujours le siège d’une mission baptiste. La porte qui mène à la cour s’ouvre dans une façade qui semble celle d’une église ; à droite : une librairie protestante. Les pavés de la cour sont un peu verdis de mousse ; ils ne sont pas bombés, mais plats et carrés. La cour est séparée de la rue par un hall large et long, sombre. L’escalier est tel que Hopper l’a peint, mais le couloir du dernier étage est maintenant occupé par des appartements. De la fenêtre de l’un d’eux, on voit les toitures et la cour telles que Hopper les a vues. Aucune plaque ne rappelle sur la façade que Hopper vécut dans cet immeuble. Il suffit de tourner un coin de rue pour se trouver au bord de la Seine.
    CHAPITRE 6
    1
    Mais le train de Train et Baigneuses , Gail Levin en fait la remarque, n’est pas un train américain. C’est un train comme en peignit Monet. Elle voit dans cette eau-forte le signe d’une nostalgie: la nostalgie de la France, de Paris ; peut-être du temps de l’impressionnisme, déjà passé, quand il vint en Europe.
    CHAPITRE 9
    1
    Reclining Nude, from Rear (« Nu couché, de dos »), crayon, sans date. Reclining Female Nude, from Rear (« Nu féminin allongé, de dos »), peinture, vers 1902-1904.
    2
    Reclining Nude (« Nu couché »), vers 1924-1927, aquarelle.
    3
    Gail Levin consacre une page à l’interprétation de cette peinture. Comme d’habitude, Hopper rejetait toute idée de symbole dans cette représentation. Ce n’était qu’une image du réel, l’image d’une réalité. On sait pourtant que lorsque les critiques voyaient ses peintures
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