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Douze

Titel: Douze
Autoren: Jasper Kent
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peut-être me dupais-je moi-même. Peut-être n’étais-je en train d’errer dans les rues de Moscou, de m’émerveiller de ses habitants et de ses bâtiments, que pour me mettre en appétit avant de me diriger vers ma véritable destination, comme un homme qui commence par manger tous ses légumes et fait l’éloge de leur saveur subtile, pour en fait vider son assiette de tout élément autre que le steak, qui est la seule partie du repas dont il a réellement envie. Ou bien étais-je comme un ivrogne qui se réveille tôt et se rend compte qu’il y a des moments où il est trop tôt pour boire, même pour lui, et qui donc tue le temps pour essayer de tenir son esprit à distance de cette première boisson, douce et mordante ?
    Il était presque midi lorsque j’atteignis l’angle de la ruelle Degtiarni et que je me posai de nouveau sur le banc où je m’étais assis pour la première fois au mois de décembre précédent.
    Pendant cet hiver de 1811, j’étais venu ici avec Dimitri et Max. Vadim était rentré à Pétersbourg pour le mariage de sa fille. J’avais assisté moi aussi à ce mariage, mais j’étais revenu à Moscou presque aussitôt après, combattant ma culpabilité face à l’expression du visage de Marfa par l’anticipation étrange que quelque chose allait se produire, devait se produire, dès que je reviendrais dans une ville aussi vibrante que l’ancienne capitale.
    Mais il ne semblait pas se passer grand-chose et, avant peu et pour je ne sais quelle raison, nous nous retrouvâmes tous les trois assis sur ce banc, sur cette place calme et recouverte de neige, à échanger des plaisanteries tout en observant les hommes (et parfois les femmes) qui entraient dans le bâtiment nous faisant face ou qui en sortaient.
    Il y eut un moment de silence lorsque nos regards furent tous accrochés par une jeune femme particulièrement belle quittant le bâtiment, un silence que Max combla d’une annonce faite avec la voix qu’il réservait habituellement aux descriptions des affaires politiques des nations.
    — C’est une maison close !
    — Bien sûr que c’est une maison close, rit Dimitri.
    Pour être honnête, je n’avais pas remarqué mais, en y réfléchissant, la chose paraissait assez évidente. Dimitri y était peut-être allé aussi au culot, mais il semblait toujours préférable de montrer une certaine expérience du monde devant un jeune soldat tel que Maxime : je ris donc de concert avec Dimitri.
    — Tu veux entrer ? demanda Dimitri à Max. Cela semble être un établissement quelque peu militaire.
    De fait, l’essentiel de la clientèle semblait effectivement être composé d’officiers de cavalerie tels que nous.
    — Non merci, répondit Max, d’une voix qui me fit me demander s’il possédait le moindre désir humain.
    Dimitri se tourna vers moi.
    — Alexeï ? Ah ! non. Tu as une femme et une famille aimantes.
    — Et toi ? demandai-je à Dimitri.
    — Moi ? Non. Je n’aime pas papillonner non plus. (Il fit un clin d’œil, adressé à personne en particulier.) Il y a un petit endroit dont je profite, de l’autre côté de la rue Nikitski. Pas cher, propre. Je vais m’en tenir à cela.
    La fille qui avait auparavant attiré notre attention revint bientôt, serrant fermement contre son corps le panier de fruits et autres aliments qu’elle était sortie pour acheter. Elle était étonnante. Le coin extérieur de ses grands yeux remontait légèrement, et elle pressait résolument ses lèvres pleines, à cause de la neige que le vent fouettait et contre laquelle elle luttait.
    J’avais l’impression de l’avoir déjà vue auparavant. Soudain, la réponse me vint à l’esprit.
    — Elle ressemble à Marie-Louise.
    — Qui ? grogna Dimitri.
    — La nouvelle impératrice de France, expliqua Max.
    — La nouvelle Mme Bonaparte, fut ma description.
    — Ah ! La vieille prostituée autrichienne, fut celle de Dimitri.
    Tous nos commentaires étaient vrais dans une certaine mesure. En 1810, Bonaparte avait divorcé de sa première femme, Joséphine, et il avait épousé Marie-Louise, fille de l’empereur d’Autriche François II. Joséphine avait été incapable de donner un enfant à Bonaparte et l’empereur avait besoin d’un héritier. Comme les Français avaient été prompts à oublier ce qu’ils avaient fait à leur dernière reine autrichienne !
    — Elle lui ressemble un peu, mais pas beaucoup, dit Max.
    — Qui sait ? répondis-je. Je n’en ai jamais vu
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