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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal
Autoren: Romain Sardou
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d’Aba qui blêmissait à vue d’œil.
    — Approchez, leur dit-il en se munissant de son pique-feu.
    C’est alors que la porte du fond vola en éclats. Les enfants crièrent et se pressèrent contre les jambes de Guillem Aba.
    Deux silhouettes pénétrèrent dans la pièce.
    Leur surgissement fut si violent qu’ils en renversèrent la table, les bols, la jatte et les bancs. Terrifiés, les animaux s’échappèrent.
    Très grands, vêtus de noir de pied en cap, les bottes alourdies par la boue, une capuche sombre rabattue sur le front dissimulant leurs traits, les deux hommes s’avancèrent vers Aba, une courte épée à la main.
    Dans le même temps, deux autres silhouettes similaires s’introduisirent dans la maison par la porte du jardin.
    Le vent et le froid gagnèrent la pièce.
    Aba voulut protéger les enfants en brandissant son pique-feu…
    — Qui êtes-vous ?
    … mais l’un des hommes le refoula et lui arracha l’outil. Le prêtre se débattit.
    — Cesse de te démener, le curé, dit l’homme en noir. Ce n’est pas après toi que nous en avons.
    Aba n’entendait pas se laisser arrêter, il repoussa l’homme du plat de la main.
    — Calme-le, dit simplement un autre assaillant derrière eux.
    L’homme bousculé saisit un enfant par le col et le souleva en le désignant à ses compagnons.
    L’un d’eux lui répondit par un signe positif du front.
    — Non ! hurla le prêtre qui avait compris.
    Il voulut s’élancer, mais un homme l’empoigna.
    Celui qui tenait le petit l’adossa contre une poutre et lui enfonça son épée à travers le corps. Il força tant sur l’arme qu’elle pénétra le bois et ne se démit pas sous le poids du garçon ; ce dernier resta en suspension, agité de tremblements, se vidant de son sang.
    Cette vision d’horreur pétrifia Aba et les enfants.
    — Si tu fais encore un geste, le curé, j’en épingle d’autres comme cela sur tous tes murs, mugit l’assassin en direction du prêtre.
    Mais Aba, sourd aux menaces, révolté, renversa l’homme qui le retenait et voulut sauter au cou de l’assassin ; ce dernier le fit reculer en glissant un couteau sous sa gorge. Du sang fila sur sa lame. Le prêtre ne faiblit pas. Il grondait, rugissait, invectivait :
    — Vous paierez ce crime !
    Les hommes en noir furent surpris de la férocité qui émanait de lui. D’un mouvement vif, l’assaillant libéra son poing et lui asséna un coup, de la tempe au nez, ouvrant son œil gauche, puis, tout de suite, un autre coup au menton.
    Le père Aba perdit connaissance et s’écroula.
    Transis de peur, les enfants ne savaient vers où se tourner. Ils regardaient avec une même terreur leur maître inerte et leur compagnon dont le sang jaillissait par saccades. Le silence se fit soudain, pesant après les cris du prêtre, seulement troublé par les faibles râles du gamin.
    Les hommes s’approchèrent et alignèrent les enfants de force. L’un des quatre, celui qui avait accordé d’un signe le meurtre du garçon, s’avança. Sa main, gantée de cuir et de fer, glissa lentement sur leurs fronts, l’un après l’autre.
    Chaque enfant fut dévisagé. Au bout du rang, l’homme s’arrêta, agacé. Il tourna les talons, regarda autour de lui, puis, d’un bond, se dirigea vers la table renversée.
    Il la releva.
    Dessous se dissimulait un petit garçon blond. Sur son ordre muet, un des assassins tendit la main vers le visage apeuré de l’enfant, l’empoigna et dit :
    — On l’emmène.

C HAPITRE 0 2
    Sur le versant nord de la colline du Janicule à Rome, à mi-chemin entre la piazza Trivento et la via Giolitti, se tenait une boutique où l’on marchandait autrefois des rouleaux de soie, des tapis d’Orient et des parures de corail importés d’Antioche.
    Aujourd’hui, qui se promènerait dans ce quartier populeux de la rive droite du Tibre trouverait la devanture de l’échoppe assez peu changée, l’enseigne en forme d’écu flamand se balançant toujours sous sa hampe ; seulement, il n’y lirait plus le nom de l’ancienne mercerie, mais une inscription en lettres capitales dont l’intitulé ne souffrait aucune contestation :
    BÉNÉDICT GUI A RÉPONSE À TOUT
    Les étagères et les étals de bijoux avaient laissé place à des rayonnages de livres, de manuscrits et autres dossiers serrés entre des couvertures de cuir. Mais aussi des fioles d’onguents, des peaux d’animaux, des tables d’éclipsés lunaires, des métaux rares, une
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