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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal
Autoren: Romain Sardou
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noire.
    C’était Até de Brayac, la propre fille d’Artémidore.
    Bazan déposa sur le bureau une poignée de feuillets pliés en deux : les bulletins secrets du dernier vote des cardinaux.
    Artémidore les étudia en s’aidant d’une épaisse lentille de verre. Il mit de côté quatre suffrages attribués aux prélats Portai de Borgo, Philonenko, Othon de Biel et Benoît Fillastre.
    Il dit enfin à Fauvel de Bazan, les évoquant :
    — Éliminez-les. Ils sont sur le point de s’allier et je ne veux sous aucun prétexte d’un pape avant le printemps. Quoi d’autre ?
    — Votre mort a été annoncée à deux reprises cette semaine.
    Bazan tendit une liste de noms sur un parchemin et ajouta :
    — Ceux-là s’en sont réjouis, Votre Grâce.
    Ce que lisant, Artémidore haussa les épaules :
    — Ces hommes ne valent rien. Ne nous en occupons pas.
    Il tourna ses regards vers Até.
    — Tu repars, lança-t-il. Il reste deux éléments à réunir pour terminer l’opération en cours.
    La jeune femme masqua mal son dépit devant cet ordre inattendu qui l’éloignait de Rome. Elle venait de passer de longs mois au-delà des Alpes et aspirait à un peu de repos.
    — Où dois-je me rendre ?
    — Dans le pays d’Oc.
    Il lui remit un pli où étaient consignées ses instructions. Sans plus de précision, le chancelier leur signifia leur congé d’un mouvement de tête et replongea dans la consultation de sa correspondance.
    Bazan et Até s’exécutèrent.
    Seulement, avant de quitter le cabinet de son père, la jeune femme s’adressa une dernière fois à lui :
    — Il m’est pénible de vous obéir sans rien comprendre à vos ordres, Votre Grâce. Me direz-vous un jour ce que nous tramons ?
    Artémidore releva le front. Il ne semblait ni surpris, ni impatienté par l’impudence de sa fille. De ses onze enfants, Até était sa favorite, née d’une union avec une chrétienne d’Alep, vingt-cinq ans plus tôt. Elle avait passé toute sa jeunesse loin de lui, en Palestine, et il n’avait fait sa réelle connaissance que cinq ans auparavant. Até se révéla être d’un caractère aussi tranché et énergique que le sien. Intelligente et sans pitié. La providence lui offrait avec cette jeune femme de son sang, une alliée féminine efficace, capable d’en remontrer aux hommes, fort utile pour l’accomplissement de ses basses œuvres. Elle lui convint si bien qu’il lui octroya son nom.
    — Tranquillise-toi, répondit-il. L’aboutissement est proche.
    Il laissa tomber sa tête sur sa main et sourit. Mais le rire allait mal à ce visage enflé.
    —  Tu vas bientôt assister à la plus étonnante surprise de l’ère chrétienne depuis… depuis que des soldats romains sont revenus un matin pour trouver vide le tombeau du Christ !
    Até quitta Rome et Fauvel de Bazan exécuta ponctuellement les directives du maître à l’égard des quatre cardinaux électeurs qui avaient eu l’audace de ne pas suivre ses recommandations : Portai de Borgo fut étouffé en l’église de Sainte-Agnès-hors-les-Murs par une phalange d’hommes en noir ; Philonenko, ébouillanté alors qu’il prenait un bain de vapeur ; Othon de Biel, intoxiqué dans une chapelle absidale par la fumée de cierges empoisonnés ; Benoît Fillastre, dévoré par des chiens lors de sa promenade matinale dans sa résidence d’Aprilia.
    Comme toujours lorsque les hommes de main du chancelier intervenaient, ces diverses morts passèrent pour accidentelles, et la vie du Latran s’en trouva très peu perturbée.
    De rares intrépides voulurent dénoncer auprès du vieux chancelier des manœuvres criminelles au sein du conclave, mais celui-ci écarta ces accusations du revers de la main.
    — Ecclesia abhorret a sanguine , aimait-il à répéter dans le droit fil du concile de 1163.
    « L’Église a horreur du sang…»

PREMIÈRE PARTIE

C HAPITRE 0 1
    En ce 9 janvier 1288, le père Guillem Aba s’éveilla avant le jour.
    Il égrena consciencieusement son rosaire avant de quitter sa chambre à l’étage du presbytère, toujours enroulé dans les couvertures qui l’avaient gardé au chaud pendant la nuit.
    Au pied de l’escalier, il écarta de son passage les deux moutons et le porcelet qui partageaient son toit pour la saison. Il alluma une lampe à huile avec une pierre à fusil et de l’amadou.
    La pièce à vivre s’éclaira : un plafond bas, d’épaisses poutres pliant sous le poids qu’elles portaient, deux
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