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Crépuscule à Cordoue

Crépuscule à Cordoue

Titel: Crépuscule à Cordoue
Autoren: Lindsey Davis
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même une saucière pleine de vous-devinez-quoi à portée de la main. J’eus le malheur de mentionner que ma compagne raffolait de cet assaisonnement, et les généreux bureaucrates donnèrent sur-le-champ l’ordre à des esclaves de m’en apporter une amphore qui n’avait pas encore été ouverte. Ceux qui sont habitués à une cuisine frugale ignorent peut-être que l’ingrédient en question est livré dans d’immenses réceptacles en forme de poire. Et l’un d’eux allait m’encombrer pendant toute la soirée. Fort heureusement, mes hôtes extravagants me fournirent également deux esclaves pour prendre soin du fardeau.
    Après les savoureux jambons bétiques dont la réputation n’est plus à prouver, on nous présenta des plats de poissons péchés dans l’Atlantique et la Méditerranée : daurades, maquereaux, thons, congres, anguilles, esturgeons… ainsi que des fruits de mer, dont des huîtres et des moules de belle taille. Le tout parsemé de crevettes, pour faire bonne mesure. Il y avait également de la viande que je soupçonnais de provenir d’un fringant cheval hispanique.
    J’avais trop mangé, et tout le vin ingurgité m’avait rendu les jambes lourdes. Quant à ma carrière, elle n’avait pas progressé d’un pouce.
    Comme les invités appartenaient quasiment tous à la Société, ils allaient discuter de table en table entre les différents services. J’attendis que Læta se décide à agir de même avant de me lever à mon tour – sans oublier de dire aux esclaves de me suivre avec ma jarre. Je tentai de donner le change en feignant de vouloir nouer des connaissances. Læta, à qui mon manège n’avait pas échappé, m’adressa un petit geste d’encouragement. Il était persuadé que j’allais tenter de m’attirer les faveurs d’un personnage influent.
    En réalité, je souhaitais gagner la sortie la plus proche et filer à la maison. Au moment fatidique, je me heurtai à quelqu’un qui cherchait à entrer. Une femme. La première que je voyais de toute la soirée. Naturellement, je changeai tout de suite d’avis. Après avoir ordonné aux esclaves de reposer ma jarre de saumure de poissons, je redressai la guirlande qui me couronnait et la gratifiai de mon sourire le plus enjôleur.

2
    Elle était enveloppée dans une cape qui lui tombait jusqu’aux pieds. J’aime bien voir une femme ainsi emmitouflée : c’est excitant d’imaginer ce qu’elle cache et de se demander pourquoi elle veut garder toutes ces bonnes choses pour elle.
    Celle-ci perdit tout son mystère à l’instant même où elle se heurta à moi. Sa longue cape glissa de ses épaules pour révéler qu’elle était vêtue en Diane chasseresse. Vêtue, si l’on peut dire. Sa tunique dorée, courte et plissée, lui dénudait généreusement une épaule. Dans une main, elle tenait un grand sac d’où émergeait un tambourin ; un carquois pendait à son épaule ; sous son autre bras, elle tenait coincé un petit arc ridicule qui ressemblait à un jouet.
    — La chasseresse vierge ! la saluai-je joyeusement.
    — Le débile de service ! railla-t-elle.
    Toujours galant, je me penchai pour ramasser sa cape, ce qui me permit d’admirer une jolie paire de jambes bien galbées.
    — Tu es dans la bonne position pour prendre un coup de pied à un endroit où ça fait très mal ! prévint-elle.
    Elle avait raison. Je me redressai au plus vite. Mais le spectacle ne perdit rien de son charme pour autant. Sa tête n’aurait pas dépassé mon épaule si elle n’avait été juchée sur les épaisses semelles de liège de ses cothurnes. Elle s’était donné la peine de polir les ongles de ses orteils qui avaient pris l’aspect de l’albâtre. Sa peau douce et très sombre était parfaitement épilée ; rien que d’imaginer l’opération me rendait tout chose. Le même soin minutieux avait été apporté aux travaux de peinture : du rouge sur les joues, les sourcils nettement dessinés en demi-cercles et très épais, les paupières luisantes de safran, les cils passés au noir de fumée. Elle portait un bracelet d’ivoire à un bras, tandis que l’autre s’ornait d’un serpent en argent. L’effet recherché était purement professionnel, il n’y avait pas à s’y tromper. Elle n’était l’onéreuse maîtresse de personne – ni pierres précieuses, ni or filigrané –, et puisque les femmes ne participaient pas à cette soirée, ce n’était pas une invitée.
    Il ne pouvait donc
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