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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata
Autoren: Robert Harris
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les mains avec désespoir et chercha du regard
le soutien d’Atticus.
    — Avec tout mon respect, Marcus, intervint Atticus, tu
commences à devenir aussi inflexible que Caton. Quel mal y aurait-il à conclure
une alliance temporaire avec César ?
    — Mais cela n’aurait rien de temporaire ! Il n’y a
donc personne qui comprenne dans cette ville ? Cet homme ne s’arrêtera que
lorsqu’il sera le maître du monde – il me l’a plus ou moins dit
lui-même – et je devrais soit être d’accord avec lui et lui servir de
complice, soit rompre avec lui un peu plus tard, et là, je serais fini pour de
bon.
    — Mais tu es déjà fini pour de bon, rétorqua Terentia d’une
voix glacée.
     
    — Alors, Tiron, me dit Cicéron lorsqu’elle fut partie
chercher Marcus dans la chambre d’enfants pour qu’il dise au revoir à son père,
je voudrais que la dernière action que j’accomplirai dans cette ville soit de
te donner ta liberté. J’aurais dû le faire il y a des années – au
moins quand j’ai quitté le consulat –, et si je ne l’ai pas fait, ce n’est
pas par manque de reconnaissance pour tes services mais au contraire, parce que
tu m’étais trop précieux et que je ne supportais pas l’idée de te perdre. Mais
puisque je dois renoncer à tout le reste, il n’est que justice que je te dise
adieu à toi aussi. Félicitations, mon ami, ajouta-t-il en me serrant les mains,
tu l’as mérité.
    C’était tellement inattendu que je faillis tomber à la
renverse. J’espérais ce moment depuis des années – je l’avais désiré,
j’en avais rêvé et j’avais prévu ce que je ferais ensuite – et voilà
qu’il arrivait enfin, presque par hasard, semblait-il, du fait de toute cette
ruine et cette désolation. Je me sentais trop submergé par mes émotions pour
parler. Cicéron me sourit puis m’embrassa tandis que je pleurais à chaudes
larmes, me tapotant le dos comme si j’étais un enfant qu’il fallait consoler ;
Atticus, qui avait observé toute la scène, me prit la main et la serra
chaleureusement.
    Je parvins à articuler quelques mots de remerciement et
ajoutai que, bien sûr, ma première décision d’homme libre serait de me dévouer
entièrement au service de Cicéron, et que, quoi qu’il arrive, je resterais à
ses côtés pour partager ses épreuves.
    — Malheureusement, cela est impossible, répliqua
tristement Cicéron. À partir de maintenant, je ne pourrai avoir que des
esclaves pour seule compagnie. Si un homme libre devait m’aider, il serait de
par la loi de Clodius coupable d’avoir aidé un meurtrier. À partir de
maintenant, Tiron, tu dois rester loin de moi ou tu te feras crucifier. Va
chercher tes affaires, à présent. Tu devrais partir avec Terentia et Atticus.
    Ma joie intense fut remplacée par un chagrin qui ne l’était
pas moins.
    — Mais comment vas-tu te débrouiller sans moi ?
    — Oh, j’ai d’autres esclaves, répliqua-t-il en faisant
de piètres efforts pour paraître insouciant. Ils pourront m’accompagner dans ma
fuite.
    — Où vas-tu aller ?
    — Vers le sud. Sur la côte. À Brundisium, peut-être,
pour trouver un bateau. Et après cela, les dieux décideront de mon destin. Va
chercher tes affaires, maintenant.
    Je descendis à ma chambre et rassemblai mes quelques biens
dans un petit sac, puis je tirai les deux briques descellées derrière
lesquelles j’avais ménagé une cache. C’était là que je conservais mes
économies. J’avais très exactement deux cent vingt-sept pièces d’or cousues
dans une ceinture et il m’avait fallu plus de dix ans pour les acquérir. Je mis
la ceinture et montai dans l’ atrium où Cicéron faisait à présent ses
adieux à Marcus en présence d’Atticus et d’une Terentia aux yeux rouges. Il
aimait cet enfant – son seul fils, sa joie, son espoir d’avenir – et,
afin de ne pas lui faire peur, Cicéron déploya une maîtrise de lui-même absolue
pour faire comme si leur séparation n’avait rien de dramatique. Il le prit dans
ses bras et le fit tournoyer. L’enfant lui réclama de tourner encore et il s’exécuta,
mais lorsque Marcus lui demanda un troisième tour, Cicéron refusa et le pria de
retourner auprès de sa mère. Lui-même enlaça Terentia et lui dit :
    — Je regrette que ton mariage avec moi t’ait conduite à
cette triste situation.
    — Mon mariage avec toi a été ma seule raison de vivre,
répliqua-t-elle avant de me saluer d’un
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