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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata
Autoren: Robert Harris
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sais, mais il peut se révéler utile
dans l’exil, et je serais d’accord pour t’avancer une somme considérable.
    — C’est très aimable de ta part.
    — Je pourrais te donner, disons, deux millions. Cela pourrait-il
t’aider ?
    — Naturellement. Mais si je suis en exil, comment
pourrais-je espérer te rembourser un jour ?
    Crassus regarda autour de lui, comme s’il cherchait une
solution.
    — Tu pourrais me remettre les actes de propriété de
cette maison, je suppose.
    Cicéron le dévisagea avec incrédulité.
    — Tu veux cette maison que je t’ai payée trois millions
et demi ?
    — Et tu as fait une excellente affaire. Tu ne peux pas
le nier.
    — Eh bien, justement, c’est une raison de plus pour ne
pas te la rendre pour deux millions.
    — J’ai bien peur qu’une propriété ne vaille que ce que
l’acheteur est prêt à la payer, et cette maison ne vaudra plus rien dans deux
jours.
    — Pourquoi dis-tu cela ?
    — Parce que Clodius a l’intention de la brûler et de
faire élever à sa place un temple à la déesse Liberté, et ni toi ni personne ne
pourra faire quoi que ce soit pour l’en empêcher.
    Après un moment de silence, Cicéron demanda à mi-voix :
    — Comment le sais-tu ?
    — C’est mon travail, de savoir ce genre de choses.
    — Pourquoi voudrais-tu acheter deux millions de
sesterces un bout de terre calcinée avec un temple dessus ?
    — Il faut savoir prendre des risques dans les affaires.
    — Au revoir, Crassus.
    — Réfléchis, Cicéron. Ne sois pas aussi bête et entêté.
C’est deux millions ou rien.
    — J’ai dit, au revoir, Crassus.
    — D’accord, deux millions et demi ?
    Cicéron ne répondit pas. Crassus secoua la tête.
    — C’est exactement le genre d’arrogance insensée qui t’a
amené à cette situation, dit-il en se levant. Je me réchaufferai les mains sur
ton incendie.
     
    Le lendemain, une réunion des principaux partisans de
Cicéron fut convoquée pour décider de ce qu’il convenait de faire. La réunion
devait avoir lieu dans la bibliothèque et je dus fouiller la maison pour
trouver assez de sièges afin que chacun pût s’asseoir. J’en dénichai une
vingtaine. Atticus arriva le premier, suivi par Caton, puis Lucullus et, après
un long moment, Hortensius. Tous eurent beaucoup de mal à franchir la foule qui
occupait toutes les rues adjacentes, surtout Hortensius, qui fut particulièrement
malmené et arriva le visage égratigné et la toge souillée d’excréments. C’était
perturbant de voir un homme à l’apparence d’habitude si soignée arriver dans un
tel état physique et nerveux. Nous attendîmes de voir si quelqu’un d’autre se
présenterait, mais personne ne vint. Tullia, après des adieux déchirants à
Cicéron, avait déjà quitté Rome avec son mari pour se mettre à l’abri à la
campagne, aussi le seul membre présent de la famille était-il Terentia. Je pris
des notes.
    Si Cicéron fut consterné de constater que les vastes foules
qu’il drainait autrefois s’étaient réduites à ce petit groupe, il n’en montra
rien.
    — En ce jour cruel, déclara-t-il, je veux vous
remercier, vous tous qui vous êtes battus si vaillamment pour soutenir ma
cause. L’adversité fait partie de la vie – même si je ne la
recommande pas nécessairement, vous me comprenez (mes notes font état de rires) –,
et elle permet au moins de nous montrer la vraie nature des hommes, et de même
que j’ai révélé ma faiblesse, j’ai pu découvrir votre force.
    Il s’interrompit et s’éclaircit la gorge. Je crus qu’il
allait à nouveau céder aux larmes, mais cette fois, il se reprit :
    — Alors, cette loi doit donc prendre effet ce soir à
minuit ? Il n’y a pas de doute là-dessus, si je comprends bien ?
    Il les interrogea du regard. Tous quatre secouèrent la tête.
    — Non, répondit Hortensius, pas le moindre doute.
    — Dans ce cas, que me reste-t-il comme options ?
    — Il me semble que tu en as trois, dit Hortensius. Tu
peux faire comme si la loi n’existait pas, rester à Rome et espérer que tes
amis continueront de te soutenir, quoique à partir de demain, cela deviendra
plus dangereux que cela ne l’est aujourd’hui. Tu peux quitter la ville ce soir,
pendant qu’il est encore légal pour les gens de t’aider, et espérer pouvoir
quitter l’Italie sans encombre. Ou tu peux aller voir César et lui demander si
son offre tient toujours, et revendiquer l’immunité
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