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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata
Autoren: Robert Harris
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mouvement de tête puis de quitter la
pièce d’un pas ferme.
    Cicéron embrassa ensuite Atticus et lui confia sa femme et
son fils, puis il s’avança vers moi pour me dire adieu, mais je lui dis que c’était
inutile, que ma décision était prise : je resterai à ses côtés, au prix de
ma liberté et, si nécessaire, au prix de ma vie. Naturellement, il m’exprima sa
gratitude, mais il ne parut pas étonné, et je compris qu’il n’avait pas cru un
instant que j’accepterais son offre. Je défis ma ceinture et la remis à
Atticus.
    — Je me demandais si je pourrais te prier de faire
quelque chose pour moi…
    — Bien sûr, répondit-il. Tu veux que je te garde ça ?
    — Non, répondis-je. Lucullus a une esclave, une jeune
femme qui s’appelle Agathe et qui compte beaucoup pour moi, et je te serais
très reconnaissant si tu pouvais demander à Lucullus, comme une faveur
personnelle, de l’affranchir. Je suis sûr qu’il y a là plus qu’il n’en faut
pour acheter sa liberté et lui donner de quoi vivre ensuite.
    Atticus parut surpris mais assura que, bien sûr, il se
chargerait de cela.
    — Eh bien, tu ne m’as certainement jamais parlé de ça,
commenta Cicéron en me dévisageant attentivement. Peut-être que je ne te
connais pas aussi bien que je le pensais.
     
    Une fois les autres partis, Cicéron et moi-même restâmes
seuls à la maison avec ses gardes et quelques membres du personnel. Nous n’entendions
plus la moindre huée : la ville tout entière semblait silencieuse. Cicéron
monta dans sa chambre se reposer un peu et mettre de grosses chaussures. Lorsqu’il
redescendit, il prit un chandelier et passa de pièce en pièce – dans
la salle à manger déserte et son plafond à dorures, dans le grand hall avec ses
statues de marbre trop lourdes pour être déplacées, et dans la bibliothèque
vide –, comme pour mémoriser la maison. Il s’attarda si longtemps que je
me demandai s’il n’avait pas en fin de compte décidé de rester, mais alors le
vigile du forum annonça minuit, Cicéron souffla les bougies et dit que nous
devions partir.
    C’était une nuit sans lune et, lorsque nous arrivâmes devant
l’escalier, nous distinguâmes en contrebas plus d’une dizaine de torches qui
montaient lentement la colline. Quelqu’un lança au loin un cri d’oiseau bien
particulier, et un cri similaire lui répondit d’un point situé juste derrière
nous. Les battements de mon cœur s’accélérèrent.
    — Ils arrivent, souffla Cicéron. Il ne faut pas perdre
un instant.
    Nous descendîmes rapidement les marches et, au pied du
Palatin, prîmes une ruelle étroite. En rasant les murs, nous fîmes un détour
par des boutiques fermées et des maisons endormies pour gagner la grand-rue
juste avant la porte Capena. Contre monnaie sonnante, le gardien accepta d’ouvrir
la porte piétonne et attendit avec impatience que nous finissions d’échanger
nos adieux murmurés avec nos gardes du corps. Puis Cicéron franchit la porte
étroite, et je le suivis avec trois jeunes esclaves qui portaient les bagages.
    Nous ne parlâmes ni ne nous reposâmes avant d’avoir marché
au moins deux heures et dépassé les tombes monumentales qui bordent cette
portion de route – et étaient connues à cette époque pour abriter des
brigands. Puis Cicéron décida que le danger était passé, et il s’assit sur une
borne pour contempler Rome. Une faible lueur rouge, trop précoce pour être l’aube,
cramoisie en son centre puis partant en filets rosés, envahissait le ciel, soulignant
les contours des masses noires formées par les collines basses de la ville. C’était
incroyable de penser que l’incendie d’une seule maison pouvait créer un tel
phénomène céleste. Pour un peu, j’aurais dit que c’était un présage. En même
temps, très ténu dans le silence nocturne, nous parvint un bruit curieux, âpre
et intermittent, quelque chose qui se situait entre le hululement et la
plainte. Je n’arrivais pas à analyser ce que cela pouvait être quand Cicéron
avança qu’il devait s’agir des trompettes sur le Champ de Mars, et que c’était
l’armée de César qui s’apprêtait à partir pour la Gaule. Je n’arrivais pas à
voir son visage dans l’obscurité, et cela valait peut-être mieux, mais au bout
d’un moment, Cicéron se leva, brossa la poussière de sa vieille tunique et
reprit son voyage, dans la direction opposée à celle que suivait
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