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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante
Autoren: Pierre Magnan
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demande déraisonnable elle n’obéirait pas.
    Il avait
mandé trois messagers, à deux heures de distance l’un de l’autre afin d’en
donner deux en pâture au destin. La peste en effet sévissait par chemin aussi
bien qu’en ville. Les convers de l’ordre mouraient les uns après les autres.
Sur trente-cinq valides au début de l’année, il n’en restait plus qu’une
quinzaine, en dépit de la prière perpétuelle qui tenait le château en un
bruissement constant. Or, depuis quelques jours, le reproche véhément des voix
tempérait la soumission à la foi. Les moines avaient toujours cru que la prière
suffirait à retenir, pour un temps, les mortels de ce côté-ci de la perception
universelle. Mais il semblait bien que Dieu retirait sa protection au saint
ordre des Hospitaliers de Jérusalem.
    Guillaume
referma le fenestron. Il ne pouvait s’empêcher, malgré sa foi robuste, de se
tordre les mains dans son anxiété. Viendrait-elle ?
    Guillaume
de Venteyrol était un noble sans terre jeté dans la moinerie par l’extrême
misère, et cette vive intelligence qu’on acquiert très tôt lorsqu’on a besoin
de manger l’avait propulsé au sommet de l’ordre. C’était un homme gros, robuste
et carré. Aujourd’hui, il ployait sous le poids de sa charge. Trente frères,
des donats, les serviteurs du château… tout ce monde le considérait comme une
sauvegarde, celui dont le savoir les préserverait tous du malheur. Il ne
pouvait pas pourtant murer les issues du château comme l’avait fait en Avignon
le chirurgien du pape afin de protéger celui-ci des affres de la peste.
    Quelqu’un
frappa à l’huis nettement. Guillaume cria d’entrer. Un petit frère passa
prudemment la tête par la lourde portière.
    — Il
y a là, dit-il, l’abbesse de Gaussan sur sa bourrique qui déclare qu’elle ne
fera pas antichambre et qu’elle va retourner à Mane si vous ne la recevez pas,
immédiatement, a-t-elle ajouté.
    Guillaume
sursauta.
    — Comment,
faire antichambre ! cria-t-il. Mais cela fait trois heures que je l’attends !
    Il se
jeta sur les pas du convers qui déjà s’en allait.
    L’abbesse
était au milieu de la cour avec son visage carré, sa hauteur sans attrait et
son silence impassible. Bien que ne montant qu’une ânesse, elle y avait grande
allure. Dans son ombre chuchotaient les converses avec de petits rires brefs.
    Guillaume
arrêta son regard sur celui de l’abbesse. Ils ne s’étaient jamais vus. En guise
de salut, ils tracèrent l’un et l’autre un large signe de croix. Tandis que la
prieure mettait pied à terre, Guillaume tenait l’ânesse par la bride.
    — Combien
avez-vous reçu de messagers ? s’enquit-il.
    — Un
seul. Pourquoi cette question ?
    — Je
vous en ai envoyé trois.
    — Chemin
faisant, en venant ici, nous en avons enseveli deux. C’est pourquoi nous voici
si tard. Le troisième n’a eu que le temps de me délivrer votre ordre. Il est
mort aussitôt.
    — Et
vos sœurs ?
    — Indemnes
par la grâce de Dieu. Mais quelle est cette foucade ? Je vous avoue que si
les temps n’étaient pas extraordinaires je ne me serais pas laissé mander.
    — Ils
le sont ! proféra Guillaume en scandant ces trois mots.
    Il avait
une bouche en fente de cachemaille qui se refermait sur tout et ne s’ouvrait
sur rien. Le peu de paroles qu’il se permettait, sa mimique disait assez qu’il
les regrettait aussitôt.
    — Mais
pourquoi avec une trentaine de sœurs ?
    — Sont-elles
robustes ?
    — Vous
savez, mon père, ce sont toutes des cadettes sans dot élevées à la dure et sans
autre espérance qu’en Notre Seigneur.
    — Sont-elles
muettes ? Je veux dire : sauront-elles l’être ?
    — Sans
doute si je leur en donne l’ordre.
    — Suivez-moi.
Avec elles ! ajouta-t-il.
    Il exhiba
hors de son aumusse un trousseau de clés qui firent un bruit sinistre et se mit
en marche vers les profondeurs du château.
    C’était
une bâtisse construite pour la guerre plutôt que pour la religion. Greniers,
celliers, caves et granges à fourrage se succédaient dans un ordre parfait. Les
lieux de prière et ceux destinés aux hommes étaient des plus succincts. On
respirait ici l’odeur des batailles. Une baie éventrée vomissait par
l’ouverture toute une ferraille d’armurerie : arbalètes, arquebuses, arcs
et carquois de flèches. L’ensemble sentait la rouille mais l’odeur qui dominait
évoquait la sécurité et le bien-être :
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