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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante
Autoren: Pierre Magnan
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c’était celle du blé et du
fourrage.
    Les
corridors en pente douce pouvaient contenir un char à bancs. Ici, protégé de
l’érosion, le safre était resté jaune d’or. Dans ces souterrains percés en
pleine matière, il n’était presque pas besoin de clarté tant cet or factice
irradiait.
    Parfois
le commandeur s’arrêtait devant une porte solide qu’il débloquait à grand
fracas. Les clés à sa ceinture tintaient comme un glas. Ici il n’y avait plus
de frères ni de donats. Ils devaient avoir reçu des ordres afin de ne pas
rencontrer les sœurs.
    La troupe
qui suivait en silence le commandeur et la prieure avait cessé les Ave Maria. À
la lumière des flambeaux, les galeries creusées dans le safre accrochaient des
pointes d’or sur les arêtes des blocs carrés qui les composaient.
    Guillaume
fit halte devant un grand portail sans attrait, tout de bois brut, barré d’une
clenche énorme que défendaient une chaîne et un cadenas gros comme un cadran de
pendule. Le commandeur se retourna brusquement. Il regarda la prieure au fond
des yeux.
    — Je
sais, dit-il à brûle-pourpoint, que votre couvent possède une crypte
diabolique.
    — Elle
n’est pas diabolique ! Nous l’avons lavée par nos prières et la soumission
à Notre Seigneur.
    La
prieure parlait d’une voix coupante. Ce commandeur n’était en rien le sien et
elle n’était pas décidée à se laisser mettre la patte dessus. Ces clarisses, au
surplus, n’avaient jamais professé à l’égard de l’Hôpital une grande
considération. La richesse de l’ordre leur paraissait trop ostensible pour ne
pas attirer en son sein bien des frères à la foi chancelante.
    — Sans
doute ! Mais bien tardivement. Et vous n’avez pas, comme le recommandait
notre Saint-Père, martelé les bas-reliefs. Je ne vous détaillerai pas, par
décence, ma mère, les joies d’enfer que figurent ces pilastres ! Ils
racontent les délices démoniaques qui précèdent la consommation des
siècles !
    Le
commandeur décrivait ces horreurs avec trop de feu. Devant la prieure
impassible et qui le jugeait, il perdait pied imprudemment. C’est que les
responsabilités qui lui tombaient soudain sur les épaules le dépassaient. Il
n’était que l’humble serviteur de l’ordre et c’était faute de mieux que le
grand maître de Saint-Gilles l’avait hâtivement délégué à Manosque pour y
remplacer, sans le titre, le commandeur de Janson qui venait de mourir. Et il
n’était pas plus tôt arrivé que la peste avait éclaté, l’écrasant littéralement
sous le poids de sa charge.
    — Est-ce
seulement pour nous parler de notre crypte que vous nous avez mandées ?
    La
prieure avait pris un ton persifleur pour poser cette question.
    — Oui !
répondit fermement le commandeur. Car, dit-il, je suis sans ordre ! Je
suis livré à moi-même ! La ville en dépit de la peste n’a jamais été aussi
peu sûre. Les habitants, avant de penser à la mort, pensent à esquiver l’impôt
et la corvée. Les caisses sont vides. Les marauds sont partout. Il y a presque
autant d’assassinats que de victimes du fléau !
    — L’autorité…,
tenta de dire la prieure.
    — L’autorité
n’existe plus ! Savez-vous combien il me reste de frères soldats ?
Sur trente frères il m’en reste douze ! Sur vingt donats il m’en reste
sept ! Si Dieu veut je peux mourir à l’instant !
    — Fort
bien ! s’exclama la prieure. Moi aussi ! Alors qu’attendez-vous de
nous ?
    Mais le
commandeur n’avait pas fini sa litanie et en outre c’était un être évasif, qui
penchait tantôt à droite tantôt à gauche, perpétuellement indécis.
    — Trois
consuls sur douze sont morts la nuit dernière ! On vient de m’aviser que
toute une noce est à l’auberge, cul par-dessus tête ! La mariée blanche
trempant dans le jus des écuelles et…
    — Reprenez-vous !
dit la prieure sévèrement. On dirait, Dieu me pardonne ! que vous n’avez
pas la foi pour vous conforter !
    Elle
parlait ce coup-ci d’une voix menaçante, soupçonneuse, et dans son visage carré
les yeux déjà accusaient le commandeur d’impiété.
    Elle se
retourna montrant ses moniales d’un large geste.
    — Regardez-nous.
Est-ce que nous tremblons ?
    Un léger
sourire flottait en effet sur les lèvres des sœurs. Elles avaient des visages
lavés à grande eau mais où transparaissait très nettement l’énergie constante qu’elles
devaient dépenser pour résister aux
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