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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front
Autoren: Sven Hassel
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côté de la Prinz Albrechtstrasse où Heinrich avait son bureau au quatrième étage de la Stapo. Une fille arrivait à pas traînants, vêtue de cuir rouge, avec un chapeau tout trempé sur la tête. Elle lui sourit. Il lui rendit son sourire et s’essuya le visage.
    La fille s’assit près de lui sur le banc dégouttant d’eau et lui offrit une cigarette. Ils fumèrent en silence ; les cigarettes étaient humides.
    – On est trempé, dit la fille, qui avait de jolies jambes.
    Il fit un signe affirmatif.
    – Vous aimez vous promener sous la pluie ?
    – Non, dit-il, je déteste ça.
    La fille fumait avec effort : – Moi aussi.
    Ils se mirent à rire et restèrent quelque temps perdus dans leurs pensées.
    La fille rompit le silence.
    – Vous venez du front ?
    – Oui, de l’Est, et j’y retourne bientôt.
    – Faisons un bout de chemin ensemble, proposa-t-elle en se levant.
    Ils prirent le chemin qui longeait la Havel.
    – Mon amoureux, lui aussi, avait eu une permission, reprit la fille en ralentissant le pas. Mais il n’a pas voulu repartir.
    Le lieutenant la regarda de biais. Elle était jolie, avec le nez retroussé d’un petit chat.
    – Déserté ?
    La fille fit oui de la tête et s’essuya le visage.
    – Il ne voulait pas y retourner. On lui avait tout coupé.
    – Tout coupé ? interrogea le lieutenant sans comprendre.
    La fille demanda une autre cigarette.
    – Oui, une balle, une blessure mal placée, il avait fallu le castrer ; pour pisser il avait un tuyau, ça sentait.
    Le lieutenant resta sans paroles. Le commandant Fromm, lui aussi, avait été castré, mais par les Russes. Sa compagnie l’avait trouvé attaché sur une table dans une hutte de paysan, les parties posées sur une assiette à côté de lui, comme chez un tripier. Il était mort. Tout son ventre bleu foncé. On exécuta sept prisonniers d’une balle dans la nuque à cause de lui, non qu’ils aient eu quelque chose à y voir, mais il fallait bien faire un exemple. C’étaient sept Géorgiens du régiment frontalier 68, tous de Tiflis, et ils tombèrent en avant comme des mahométans faisant leur prière.
    – Et puis, qu’est-il arrivé à ton fiancé ?
    Il la tutoya d’instinct ; cette histoire de soldat castré les liait, elle devenait aussi quelqu’un du front. Un amoureux castré… triste histoire, que faisait une fille dans ce genre-là ? Le petit légionnaire aussi avait été castré, mais par un tortionnaire des camps.
    – Ils l’ont pincé, dit la fille en retirant son chapeau pour en secouer la pluie.
    – Pas de veine !
    – Ils l’ont fusillé dans la Morellenschlucht, en même temps qu’un général de l’armée de l’air. Je suis allée chercher ses cendres au conseil de guerre.
    « La barbe ! pensa le lieutenant. Au fond, en quoi cette histoire me regarde-t-elle ? »
    – On me les a données dans un carton à souliers, contre un reçu, comme pour un paquet postal.
    – Et qu’as-tu fait des cendres ?
    La fille sourit et regarda le fleuve.
    – Je les ai répandues dans la Havel. – Elle montra le flot gris et torrentueux qui coulait devant eux, encore plus luisant que d’habitude à cause de la pluie. – C’est pour ça que je viens tous les jours ici, dire : « Bonjour, Robert ! ». Je lui jette parfois des fleurs, et en partant je dis : « Au revoir, Robert, la guerre n’est pas encore finie. »
    – Je te comprends, dit le lieutenant, et il s’étonna de la comprendre en effet.
    Tous deux entrèrent au domicile de la fille. Elle jeta sa veste rouge sur une chaise et proposa de faire du café, mais elle s’aperçut qu’elle n’en avait plus ; elle n’avait plus rien que quelques bouteilles de bière et deux litres de vodka rapportés par Robert du front de l’Est. Ils burent la vodka dans une chope de bière, puis la fille s’étendit sur le sofa ; le lieutenant l’embrassa et lui raconta l’histoire d’Inge, de Gunni, et lui dit aussi qu’il avait voulu se venger.
    – Ça ne sert à rien, chuchota la fille en se serrant contre lui.
    Il prit dans sa paume les genoux fermes et ronds pendant qu’elle lui caressait les cheveux.
    – Tu as de beaux cheveux, ceux de Robert étaient comme les tiens, aussi noirs.
    La main du lieutenant glissa plus haut, mais la jupe était tellement étroite qu’elle ne pouvait aller loin ; la fille desserra les jambes presque inconsciemment, soupira, le prit par le cou. Les doigts du lieutenant
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