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Camarades de front

Camarades de front

Titel: Camarades de front
Autoren: Sven Hassel
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à droite une large plaie. Le sang coulait sur ses mains. Il se balança encore comme un arbre dans la tempête puis tomba à genoux. « Vous ne vous attendiez pas à cela, assassins ! » semblait-il dire, mais ses lèvres ne s’ouvrirent pas. D’un effort énorme il se releva, puis s’effondra. Il regardait le lieutenant toujours assis à califourchon sur sa chaise et leva la main en guise de salut. Une main pleine de sang.
    – N’était-ce pas beau, camarade ? chuchota-t-il.
    Ses yeux se ternirent, mais il souriait encore. La croix de chevalier tintait contre ses boutons. On l’étendit sur une table ; quelqu’un ouvrit son uniforme et le haut de son pantalon. Le mourant regarda le visage barbu de l’officier qui se penchait sur lui.
    – Arrière vous tous ! Je suis sorti de la confrérie. Dommage de ne pas vous avoir vus pendus !
    Que ça faisait mal… Seigneur que ça faisait mal…
    – C’était peut-être une connerie, camarade…
    « Mets-toi à genoux et prie le Seigneur », disait sa mère. Le grand-père était pasteur, il s’en souvenait… Un col raide et blanc. Grand-père prêchait toujours en pleurnichant, mais il trichait au jeu quand il jouait au café… La lumière du lustre de cristal taillé à Prague lui blessait les yeux. Il pouvait entendre quelqu’un faire les cent pas derrière lui.
    – Il ne faut pas qu’il meure, dit une voix.
    Il sourit, c’est-à-dire que ses lèvres se crispèrent et montrèrent ses dents.
    – Raté, je me débine… ! – Il pouvait bien mourir maintenant, mais c’était drôle de les faire languir… – Tout de même, ce que ça pouvait faire mal… Pourquoi avoir enfoncé ce couteau ? C’était bête, camarade, c’est la faute des Japonais. – Ces singes jaunes ont de la gueule quand ils font hara-kiri, mais il n’aurait tout de même pas cru que ça faisait aussi mal… Et jusque dans le cou, dans le dos… Pourvu qu’il n’y ait pas de Dieu ! Ce serait une déveine… Il n’était pas parmi les bons, il le savait. Peut-être ses souffrances lui seraient-elles comptées si Dieu l’attendait… Peut-être le grand-père avec son col raide dirait-il un mot pour lui…
    Le général, livide, se pencha sur la table où on l’avait couché et son visage, subitement, était celui d’un très vieil homme. Avec un effort que l’on n’aurait pas cru possible le mourant se redressa, furieux. Le sang lui sortait par la bouche. Il toussa, étouffa, bégaya une injure. Le général fut éclaboussé de sang, ce qui le mit en colère. On entendit le mot « cochonnerie ». Une fille pleurait. Le major retomba lourdement sur la table. Maintenant, ça ne faisait plus mal… Il se sentait bien… Tout à fait bien… Il mourut.
    Sans s’en être rendu compte, il se trouva tout à coup devant un grand bâtiment gris, au N° 8 de la Prinz Albrechtstrasse. Deux aigles et la mention « Police secrète » étaient gravés sur la plaque ovale en bronze.
    Il monta l’escalier comme un automate, ouvrit la lourde porte dont la poignée se trouvait placée à une telle hauteur qu’on se sentait réduit à la taille d’un enfant. Les plantons S. S. ne lui accordèrent pas un regard, malgré son uniforme d’officier.
    Au quatrième étage, il s’arrêta devant une porte grise où l’on pouvait lire sur une petite plaque de cuivre : S. T. A. P. O. B.
    Il frissonna comme s’il avait froid. Plus loin, une autre porte s’ouvrit. Des casques noirs et brillants parurent ; une femme traînée dans un ascenseur qui s’enfonça brusquement vers les caves.
    Un grand blond, au nez aquilin – la silhouette idéale pour Himmler – s’enquit de ce que cherchait le lieutenant Ohlsen.
    –  Je me suis trompé, murmura celui-ci, comme dans un rêve.
    Il descendit l’escalier en courant, gagna la rue et respira, soulagé. Ce serait sans rougir qu’il pourrait regarder Alte et le légionnaire.
     

AMOUR DE RENCONTRE
     
    Il pleuvait lorsque le lieutenant Ohlsen quitta la villa. Le lieutenant n’avait pas de manteau et il tenait son calot à la main pour laisser la pluie glisser sur ses cheveux. Il s’arrêta, leva son visage vers les nuages, goûta la pluie qui rafraîchissait sa peau brûlante…
    Comme il avait bien fait, le jeune major !… Seigneur ! Comme il avait bien fait ! Toute leur fête sabotée… Le lieutenant en ressentit une sorte de joie et se remit à marcher. Savoir s’il aurait eu ce courage idiot… Une idée
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