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Borgia

Titel: Borgia
Autoren: Michel Zévaco
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un pied…, tout le poids du corps de Ragastens, puis, tout à coup, plus rien !… Comment il descendit de sa vertigineuse position ?… Comment il se retrouva en bas, courant vers la porte signalée par Giacomo ?… Il lui eût été impossible de le dire… Seulement, une fois sur le sol, ayant levé les yeux vers la fenêtre, il vit Ragastens qui, accroché au rebord, se hissait, d’un effort surhumain !…

LXXIV – SPERANZA !
 
    Depuis le soir où elle avait pu descendre une heure dans les jardins du château, Primevère n’avait plus reçu la visite de Lucrèce Borgia. Sa chambre – sa prison – demeurait fermée. Primevère était maintenant résignée à la mort.
    Son plan était d’une terrible simplicité. Elle avait conservé son poignard ; c’était là toute sa défense. Lorsque César paraîtrait, elle se poignarderait…
    Un soir, accoudée à l’appui de la fenêtre, il lui sembla qu’une ombre s’agitait sous sa fenêtre, au pied de la colossale statue dont elle dominait la tête de bronze. L’ombre, un homme, leva la tête vers elle, lui fit un signe. Et ce mot, jeté à voix basse, monta, à peine perceptible.
    –  Speranza !…
    –  Espérance ! murmura-t-elle. En est-il encore pour moi ?… Oh !… Si c’était possible !…
    Comme elle prononçait une dernière fois cette parole qui, en un pareil moment, avait un sens si profond, des pas précipités retentirent dans le couloir…
    La porte s’ouvrit violemment. César Borgia parut…
    La pensée de Primevère venait d’être entraînée si loin de César, qu’un rire de douleur et de folie éclata sur les lèvres de l’infortunée. Elle saisit son poignard et le leva…
    D’un bond foudroyant, César s’était jeté sur elle et lui avait saisi les deux poignets… Les doigts de Primevère se détendirent, l’arme tomba… Elle se vit perdue !… César n’avait pas prononcé un mot.
    La face enflammée de César Borgia était à deux doigts de la figure de Primevère. Il haletait.
    – Je sais bien que tu me hais… mais moi, je t’aime ! Tu es à moi !…
    Il avança le visage… Primevère eut un brusque retrait du buste, et César poussa soudain un rugissement de rage en lâchant les deux poignets. De toute la force de son mépris, Primevère venait de lui cracher au visage !…
    Il eut la sensation qu’elle allait lui échapper ; elle bondissait vers la fenêtre… Alors il se rua.
    – Tu es à moi ! gronda-t-il.
    Primevère, haletante, les poignets meurtris, fit une dernière tentative pour repousser le fauve.
    – Ragastens ! Ragastens ! À moi ! À moi, Ragastens ! hurla Primevère.
    – Me voici !
    En même temps, sous une poussée formidable, les vitraux volèrent en éclats, la fenêtre s’ouvrit violemment.
    – Ragastens ! vociféra César qui se jeta en arrière, tandis que Primevère tombait évanouie…
    Et, tirant un large et court poignard de sa ceinture, il se mit en garde. Ragastens marcha droit sur lui.
    – Tu vas mourir ! gronda-t-il.
    Les deux hommes étaient maintenant à un pas l’un de l’autre, César replié sur lui-même, Ragastens penché en avant, le poignard en arrêt. Au loin, du fond des longs couloirs montait un étrange et inexplicable ronflement… plus loin encore, des clameurs sourdes s’élevaient dans la nuit… Ces bruits, ils ne les entendaient pas…
    Ragastens, tout à coup, fit un pas… Le bras de César se détendit… l’acier de son poignard jeta un éclair… la lame traversa l’étoffe sans blesser le chevalier. L’instant d’après, il y eut un enlacement farouche… Puis, un piétinement rapide, des grognements brefs, puis le geste foudroyant d’un bras… un ah ! étranglé, un râlement furieux d’agonisant, un giclement de sang… et Ragastens, rouge, horrible, admirable, se releva, se rua, tout ruisselant du sang de l’autre… se pencha sur Primevère évanouie, la saisit, l’enleva dans ses deux bras, et bondit jusqu’au couloir…
    Là il s’arrêta, pantelant… Le couloir était plein d’une âcre fumée noire… Au fond, du côté de l’escalier, des flammes, se tordaient en spirales écarlates…
     
    Spadacape, descendu de la statue, s’était précipité vers le couloir indiqué par Giacomo. Au milieu du couloir, il vit soudain une porte s’ouvrir et un homme apparaître. Spadacape tenait son poignard à la main… Il allait frapper… une lueur aveuglante qui, tout à coup, éclaira le couloir, lui
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