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Barnabé Rudge

Barnabé Rudge

Titel: Barnabé Rudge
Autoren: Charles Dickens
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le suivre et l'éclairer jusqu'à la porte.
    Pendant que Joe s'absentait pour s'acquitter
de cet office, le vieux Willet et ses trois compagnons continuèrent
à fumer avec une extrême gravité, dans un profond silence, ayant
chacun leurs yeux fixés sur un chaudron de cuivre qui était pendu à
la crémaillère sur le feu. Au bout de quelque temps, John Willet
secoua lentement la tête, et là-dessus ses amis secouèrent aussi
lentement la tête, mais sans que personne détournât ses yeux du
chaudron, et sans rien changer à l'expression solennelle de leur
physionomie.
    Enfin Joe rentra, fort causeur et fort
conciliant, comme un homme qui s'attend à être grondé et qui
voudrait esquiver le coup.
    « Ce que c'est que l'amour ! dit-il
en avançant une chaise près du feu et jetant à la ronde un regard
qui cherchait la sympathie. Il vient de partir pour Londres, tout
du long, rien que ça. Son bidet, qu'il a rendu boiteux à le faire
galoper ici cette après-midi, venait à peine de se reposer sur une
confortable litière dans notre écurie il n'y a qu'un instant ;
et lui-même le voilà qui renonce à un bon souper bien chaud et à
notre meilleur lit… pourquoi ? parce que Mlle Haredale
est allée à un bal masqué à Londres, et qu'il met la joie de son
cœur à la voir. Ce n'est pas moi qui ferais ça, toute belle qu'elle
est. Mais moi, je ne suis pas amoureux, ou ce serait donc sans le
savoir ; et ça fait une fière différence.
    – Il est donc amoureux, dit
l'étranger ?
    – Un peu, répliqua Joseph : il
pourrait bien l'être moins, mais il ne peut pas l'être plus.
    – Silence, monsieur ! cria le
père.
    – Quel luron vous faites, Joseph !
dit le long Parkes.
    – Peut-on voir un garçon plus
inconsidéré ! murmura Tom Cobb.
    – Se lancer comme ça ! tordre et
arracher le nez de son propre père ! exclama le sacristain par
forme de métaphore.
    – Qu'est-ce que j'ai donc fait ?
répliqua le pauvre Joe.
    – Silence, monsieur ! repartit son
père ; pourquoi vous avisez-vous de parler, quand vous voyez
des gens qui ont deux ou trois fois votre âge rester tranquillement
assis sans souffler mot ?
    – Eh bien alors, n'est-ce pas justement
le bon moment de parler ? dit Joe d’un air mutin.
    – Le bon moment, monsieur ! riposta
son père, le bon moment ! il n'y a pas de bon
moment !
    – Ah ! certainement, marmotta Parkes
en penchant gravement la tête vers les deux autres, qui penchèrent
leur tête par réciproque, et qui murmurèrent tout bas que
l'observation était d'une grande justesse.
    – Oui, monsieur, le bon moment, c'est le
moment de se taire, répéta John Willet, quand j'étais à votre âge,
jamais je ne parlais, je n'avais jamais la démangeaison de parler,
j'écoutais pour m'instruire… Voilà ce que je faisais, moi.
    – Et voilà ce qui fait que vous avez dans
votre père un rude jouteur pour le raisonnement, Joe, dit Parkes,
si tant est que personne se frotte à raisonner avec lui.
    – Quant à cela, Philippe, observa
M. Willet en soufflant d'un coin de sa bouche un nuage de
fumée long, mince et sinueux, et en le regardant d'un air abstrait
flotter et disparaître, quant à cela, Philippe, le raisonnement est
un don de la nature. Si la nature doue un homme des puissances du
raisonnement, un homme a le droit de s'en faire honneur, il n'a pas
le droit de s'en tenir à une fausse modestie et de nier qu'il ait
reçu ce don-là : car c'est tourner le dos à la nature, c'est
se moquer d'elle, c’est mésestimer ses plus précieux cadeaux, c’est
se ravaler jusqu'au pourceau, qui ne mérite pas qu'elle jette ses
perles devant lui. »
    L'aubergiste ayant fait une longue pause,
M. Parkes en conclut naturellement que le discours était
terminé aussi, se tournant avec un air austère vers le jeune homme,
il s'écria :
    « Vous entendez, ce que dit votre père,
Joe ? Vous n'aimeriez pas trop à vous frotter à lui pour le
raisonnement, n'est-ce pas ?
    – Si…, dit John Willet en reportant ses
yeux du plafond au visage de son interrupteur, et en articulant le
monosyllabe comme avec des majuscules, pour lui apprendre qu'il
avait fait un pas de clerc en s'engageant avec une précipitation
malséante et irrespectueuse, si la nature m'avait conféré,
monsieur, le don du raisonnement, pourquoi ne l'avouerais-je pas,
ou plutôt pourquoi ne m'en glorifierais-je pas ? Oui,
monsieur, je suis un rude jouteur de ce côté-là. Vous avez
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