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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice
Autoren: Caroline Roe
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où une banquette était placée sous une fenêtre. Il se trouvait près de la chambre à coucher d’Innocent VI, mais de l’autre côté, à dix mètres de son point de départ. Et seul. Il s’assit et attendit.
    L’ambassadeur d’Ancône fut conduit dans la grande chambre à coucher aménagée à l’origine pour Clément VI, le prédécesseur d’Innocent. Depuis près de cinquante ans que les papes vivaient en Avignon – la querelle des partis avait contraint Clément V à l’exil –, beaucoup de temps, de réflexion et d’or avaient transformé une modeste abbaye en une bâtisse digne des princes de l’Église. Même messire Tomas, qui avait déjà été reçu dans cette pièce, fut émerveillé par sa décoration.
    — Ce n’est pas la première fois que le Saint-Siège a des problèmes avec l’Aragon, constata le pape. Nous avions espéré éviter ces affrontements, mais nous ne pouvons tolérer qu’un État chrétien et souverain s’attaque en mer à un autre État.
    — La population d’Ancône vous serait très reconnaissante si Votre Sainteté pouvait intervenir en son nom, dit l’ambassadeur. Elle est appauvrie par le mépris cruel et peu scrupuleux que…
    — Oui, oui, fit Innocent. Nous avons vu et noté les doléances d’Ancône.
    Il fit un signe de tête à son premier secrétaire, lequel se tourna vers son scribe, qui aussitôt plongea sa plume dans l’encre.
    — Nous adresserons une lettre à Sa Majesté Don Pedro d’Aragon, reprit le pape, afin de lui demander la restitution des vaisseaux.
    — Et de leur contenu ? suggéra l’ambassadeur.
    — Et de leur contenu… ainsi que de tout ce qu’ils ont pu dérober, renchérit-il, impatient.
    Le secrétaire chuchota à son oreille.
    — Les pirates doivent être pendus pour leurs méfaits et, bien entendu, ils risquent l’excommunication. Mais nous discuterons plus tard des termes exacts de ce courrier.
     
    Le vent glacial qui s’abattait contre les murs épais du palais faisait tout son possible pour nier l’arrivée du printemps. Il tourbillonnait dans la grande cour et s’engouffrait sous les arcades, soulevant avec impudence les tuniques des requérants moins heureux, ceux qui devaient attendre à l’extérieur sous le regard froid des gardes. Un cavalier vêtu d’une houppelande fourrée franchit le grand portail, mit pied à terre sous les arcades et confia les rênes de sa monture luisante à un laquais surgi de nulle part. Il monta l’escalier, et les hommes qui attendaient plissèrent les yeux d’envie.
    — Il se rend aux appartements privés, commenta un homme blême et rondouillard qui portait l’habit gris des franciscains.
    — J’en doute, frère Norbert, dit un prêtre vêtu de noir.
    — J’ai entendu dire qu’ils étaient emplis de trésors. De l’or, des rubis et des tuniques de soie.
    — À quoi bon des tuniques de soie quand le vent vient du nord ? répliqua le prêtre en frottant ses mains engourdies par le froid. Je les échangerais volontiers contre la houppelande de ce cavalier. Mais qu’est-ce qui vous amène ici, mon frère ? demanda-t-il, subitement conscient du caractère un peu brusque de ses propos.
    Le moine rougit et recula d’un pas comme s’il venait de recevoir un coup.
    — Rien, vraiment, mon père, bredouilla-t-il. Une affaire sans importance.
    Non loin d’eux, à l’abri précaire d’un pilier, Rodrigue de Lancia attendait en compagnie d’un gentilhomme plus âgé, à la charpente solide. Ce dernier toisa le frère, et le malheureux devint écarlate avant de consacrer toute son attention à l’admirable travail de dallage de la cour.
    Rodrigue interrogea du regard son compagnon.
    — Des prêtres et des pies, dit le gros homme. Jamais le silence, jamais un son que l’on aimerait entendre. Je me demande combien de temps il nous faudra attendre ici, ajouta-t-il en dansant d’un pied sur l’autre. Ce n’est pas une plaisante journée.
    — Pas longtemps, je l’espère, Don Gonsalvo.
    — Votre excellent jeune garçon m’a assuré que l’affaire serait jugée ce matin. Je lui en suis très reconnaissant. Sans vous, je n’aurais su vers qui me tourner.
    — Mais je vous en prie, dit poliment Rodrigue.
    — Non, non, nullement, reprit Gonsalvo. Ce fut très aimable de votre part, Don Rodrigue, et c’est pour moi une chance inespérée que de tomber sur un gentilhomme de mon pays. Quelqu’un qui connaisse si bien les méandres du tribunal
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