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Will

Will

Titel: Will
Autoren: Stephen R. Lawhead
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sortes
d’hommes : les nobles et les serfs. Pour un Normand, un homme est soit un
roi, soit un paysan, rien d’autre. C’est noir ou blanc, fin de l’histoire. Du
coup, il n’y a personne entre eux qui soit susceptible de les empêcher de se
prendre mutuellement à la gorge.
    Les Gallois se moquent des deux camps, je sais. Les Bretons
ont leur noblesse eux aussi, mais leurs rois et leurs princes vivent la même
existence que les gens qu’ils gouvernent. Un seigneur pourra bien gagner
davantage d’estime en vertu de ses actes ou d’autres mérites, réels ou
imaginaires, mais un véritable prince breton reste sujet au manque quand la
sécheresse dévaste une récolte ou quand les provisions fondent à vue d’œil à
cause d’un rude hiver.
    Un roi breton boira avec plaisir dans la coupe du plus
modeste de ses sujets, et pourra réciter les noms de chacun des membres de sa
tribu jusqu’à la troisième ou la quatrième génération. En cela, le Roi Corbeau
n’était rien moins que leur digne et meilleur héritier. Je suis prêt à parier
que le baron de Braose n’a jamais daigné poser les yeux sur la plupart des
pauvres diables dont la sueur et le sang lui garantissent faucons de chasse et
culottes de satin.
    Comme tous les barons normands, de Braose inspecte ses
terres depuis le dos d’un gigantesque destrier – un géant à quatre sabots
qui dévore en un jour plus que n’importe lequel des serfs de la région peut
manger en une semaine. Ses chevaliers et vavasseurs  – quel mot
horrible – boivent plus en une nuit de débauche qu’un pauvre hère de la
région entre Noël et Pâques, pour peu qu’il ait la chance de voir une goutte
d’un breuvage un tant soit peu réjouissant.
    Vous comprenez, de Braose n’a sans doute jamais serré la
main d’un de ses serfs, mais il sait combien chacun lui doit en impôts,
jusqu’au dernier demi-penny. C’est un genre de talent, je suppose, il faut lui
concéder cela.
    Je lui reconnais aussi un esprit habile, calculateur, ainsi
qu’un instinct de conservation peu commun. Il doit être capable de voir, ou
même de sentir, quel chemin prendre pour éviter les ennuis. Un vieux bouc fait
rarement un pas de travers quand sa propre vie est en jeu. Et le roi l’aimait
bien, même si cela me dépasse. Tout compte fait, les faveurs royales ne font
jamais de mal à personne tant qu’elles durent. Les faire durer : oui,
c’est le maïs dans le pain.
    Alors quand ce bâtard de William le Conquérant s’est fait
tuer lors d’une petite incursion en France – il s’est pris une flèche, à
ce qu’on dit, exactement comme le pauvre roi Harold –, ça a sérieusement
fait valdinguer le chariot de pommes. Et le thane Aelred a été une de
ces belles reinettes anglaises à se retrouver expédiées hors du cageot.
    Oui, des têtes ont roulé un peu partout avant que la
poussière ne se dépose sur celle-là. Les terres du brave Aelred ont été
confisquées, quant à lui on l’a banni du royaume. Nous autres, les vassaux,
avons tous été renvoyés, expulsés de la région par le shérif puant du roi et
ses baillis ; notre village a été brûlé jusqu’à la dernière maison, la
dernière porcherie. Les terres d’Aelred ont été placées sous la Loi Forestière,
l’œuvre du Malin.
    La plupart d’entre nous, moi inclus, avons traîné dans la
région quelque temps. Nous n’avions nulle part où aller, et rien n’avait été
prévu pour pourvoir à nos besoins. Comme tous les autres dans le donjon
d’Aelred, j’étais né sur ses terres, et mon père avait servi son père comme je
le servais. Les Scatlocke ont de tout temps été des vassaux, jamais des
seigneurs…
     
    « Oui, Odo, c’est mon véritable nom – William
Scatlocke. » Je fais une pause dans mon récit pour lui expliquer.
« Tu vois, c’est juste que certaines personnes ont du mal avec un tel
morceau de ferraille dans la bouche, et “Écarlate” sonne mieux.
    — C’est vrai.
    — Formidable. Je vais bien mieux dormir en te sachant
d’accord. Où en étais-je ? »
    Odo parcourt des yeux ce qu’il a écrit. « Vous parliez
de la Loi Forestière. Vous l’avez qualifiée d’œuvre du Malin. »
     
    Oui, car c’est bien ce qu’elle est. La Loi Forestière –
deux mots parfaitement respectables pris séparément, mais qui engendrent un
monstre fou furieux une fois juxtaposés. Voyez-vous, avec la Loi Forestière, la
couronne s’empare d’une parcelle utile et
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