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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo
Autoren: André Gide
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concert en est juste ». Abus de citations flasques.
    L’oraison d’Henriette d’Angleterre, que je relis sitôt ensuite, me paraît beaucoup plus belle, et plus constamment. Ici je retrouve mon admiration la plus vive. Mais quel spécieux raisonnement ! Imagine-t-on quelqu’un qui dirait à un voyageur : « Ne regardez donc pas le fuyant paysage, contemplez plutôt la paroi du wagon, qui elle, du moins, ne change pas. » Eh parbleu ! lui répondrais-je, j’aurai tout le temps de contempler l’immuable, puisque vous m’affirmez que mon âme est immortelle ; permettez-moi d’aimer bien vite ce qui disparaîtra dans un instant.
     
    Après une seconde journée un peu monotone, nous avons passé la nuit devant la mission américaine de Tchoumbiri, où nous avions amarré dès six heures. (La nuit précédente le Brabant ne s’était pas arrêté.) Le soleil se couchait tandis que nous traversions le village ; palmiers, bananiers abondants, les plus beaux que j’aie vus jusqu’ici, ananas, et ces grands arums à rhizomes comestibles (taros). L’aspect de la prospérité. Les missionnaires sont absents. Tout un peuple était sur la rive, attendant le débarquement du bateau ; car avant d’accoster nous avions longé quantité d’assez importants villages.
    Nous sommes redescendus à terre après le dîner, à la nuit close, escortés par un troupeau d’enfants provocants et gouailleurs. Sur les terres basses, au bord du fleuve, d’innombrables lucioles paillettent l’herbe, mais s’éteignent dès qu’on veut les saisir. Je remonte à bord et m’attarde sur le premier pont, parmi les noirs de l’équipage, assis sur une table auprès du petit vendeur de colliers qui somnole, la main dans ma main et la tête sur mon épaule.
    Lundi matin, 7 septembre.
     
    Au réveil, le spectacle le plus magnifique. Le soleil se lève tandis que nous entrons dans le pool de Bolobo. Sur l’immense élargissement de la nappe d’eau, pas une ride, pas même un froissement léger qui puisse en ternir un peu la surface ; c’est une écaille intacte, où rit le très pur reflet du ciel pur. À l’orient quelques nuages longs que le soleil empourpre. Vers l’ouest, ciel et lac sont d’une même couleur de perle, un gris d’une délicatesse attendrie, nacre exquise où tous les tons mêlés dorment encore, mais où déjà frémit la promesse de la riche diaprure du jour. Au loin, quelques îlots très bas flottent impondérablement sur unematière fluide… L’enchantement de ce paysage mystique ne dure que quelques instants ; bientôt les contours s’affirment, les lignes se précisent ; on est sur terre de nouveau.
    L’air parfois souffle si léger, si suave et voluptueusement doux, qu’on croit respirer du bien-être.
     
    Tout le jour nous avons circulé entre les îles ; certaines abondamment boisées, d’autres couvertes de papyrus et de roseaux. Un étrange enchevêtrement de branches s’enfonce épaissement dans l’eau noire. Parfois quelque village, dont les huttes se distinguent à peine ; mais on est averti de sa présence par celle des palmiers et des bananiers. Et le paysage, dans sa monotonie variée, reste si attachant que j’ai peine à le quitter pour la sieste.
    Admirable coucher de soleil, que double impeccablement l’eau lisse. D’épaisses nuées obscurcissent déjà l’horizon ; mais un coin de ciel s’ouvre, ineffablement, pour laisser voir une étoile inconnue.
    8 septembre.
     
    Il est réjouissant de penser que c’est précisément à ses qualités les plus profanes et qui lui paraissaient les plus vaines, que l’orateur sacré doit sa survie dans la mémoire des hommes.
     
    Je m’attendais à une végétation plus oppressante. Épaisse, il est vrai, mais pas très haute et n’encombrant ni l’eau ni le ciel. Les îles, ce matin, se disposent sur le grand miroir du Congo d’une manière si harmonieuse qu’il semble que l’on circule dans un parc d’eau.
    Parfois quelque arbre étrange domine le taillis épais de la rive et fait solo dans la confuse symphonie végétale. Pas une fleur ; aucune note de couleur autre que la verte, un vert égal, très sombre et qui donne à ce paysage une tranquillité solennelle, semblable à celle des oasis monochromes, une noblesse où n’atteint pas la diversité nuancée de nos paysages du Nord {9} .
     
    Hier soir, arrêt à N’Kounda, sur la rive française. Étrange et beau village, que l’imagination embellit
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