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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo
Autoren: André Gide
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tamisé.
    Et je ne doute pas qu’il n’y aurait beaucoup à apprendre sur le fonctionnement des rouages del’administration en particulier ; mais pour le bien comprendre, il faudrait connaître déjà le pays. Ce qui pourtant commence à m’apparaître, c’est l’extraordinaire complication, l’enchevêtrement de tous les problèmes coloniaux. La question de chemin de fer de Brazzaville à Pointe-Noire serait particulièrement intéressante à étudier ; mais je n’en puis connaître que ce que l’on m’en raconte, et tous les récits que j’entends se contredisent ; ce qui m’amène à me méfier de tous et de chacun. On parle beaucoup de désordre, d’imprévoyance et d’incurie… Je ne veux tenir pour certain que ce que j’aurai pu voir moi-même, ou pu suffisamment contrôler. Sans interprète, comment interroger les « Saras » que je rencontre, ces grands et fort Saras que l’on fait venir de la région du Tchad pour les travaux de la voie ferrée ? Et ceux-ci ne savent rien encore : ils arrivent. Ils sont là, devant la mairie, en troupeau, répondant à l’appel et attendant une distribution de manioc, que d’autres indigènes apportent dans de grands paniers. Comment savoir s’il est vrai que, parmi ceux qui les ont précédés sur les chantiers, la mortalité a été, comme on nous le dit, consternante ?… Je suis trop neuf dans le pays {7} .
    Nous engageons, au petit bonheur, deux boys et un cuisinier. Ce dernier, qui répond au nom ridicule de Zézé, est hideux. Il est de Fort-Crampel. Les deux boys, Adoum et Outhman, sont des Arabes du Oua-daï, que ce voyage vers le nord va rapprocher de leur patrie.
    30 août.
     
    Engourdissement, peut-être diminution. La vue baisse ; l’oreille durcit ; aussi bien portent-elles moins loin des désirs sans doute plus faibles. L’important, c’est que cette équation se maintienne entre l’impulsion de l’âme et l’obéissance du corps. Puissé-je, même alors et vieillissant, maintenir en moi l’harmonie. Je n’aime point l’orgueilleux raidissement du stoïque ; mais l’horreur de la mort, de la vieillesse et de tout ce qui ne se peut éviter, me semble impie. Je voudrais rendre à Dieu quoi qu’il m’advienne, une âme reconnaissante et ravie.
    2 septembre.
     
    Congo-Belge. – Nous prenons une auto pour Léopoldville. Visite au Gouverneur Engels. Il nous conseille de pousser jusqu’à Coquillatville (Équateur-ville) et propose de mettre une baleinière à notre disposition, pour nous ramener à Liranga, que nous pensions d’abord gagner directement.
    Notre véranda est encombrée de caisses et de colis. Le bagage doit être fractionné en charges de vingt à vingt-cinq kilos {8} . Quarante-trois caissettes, sacs ou cantines, contenant l’approvisionnement pour la seconde partie de notre voyage, seront expédiés directement à Fort Archambault, où nous avons promis à Marcel de Coppet d’arriver pour la Noël. Nous n’emporterons avec nous, pour le crochet en Congo belge, que le « strict nécessaire » ; nous retrouverons le reste à Liranga, apporté par le Largeau, dans dix jours. Brazzaville ne nous offre plus rien de neuf ; nous avons hâte d’aller plus loin.

CHAPITRE II – La lente remontée du fleuve
    5 septembre
     
    Ce matin, au lever du jour, départ de Brazzaville. Nous traversons le Pool pour gagner Kinshassa où nous devons nous embarquer sur le Brabant. La duchesse de Trévise, envoyée par l’Institut Pasteur, vient avec nous jusqu’à Bangui, où son service l’appelle.
     
    Traversée du Stanley-Pool. Ciel gris. S’il faisait du vent, on aurait froid. Le bras du pool est encombré d’îles, dont les rives se confondent avec celles du fleuve ; certaines de ces îles sont couvertes de buissons et d’arbres bas ; d’autres, sablonneuses et basses, inégalement revêtues d’un maigre hérissement de roseaux. Par places, de larges remous circulaires lustrent la grise surface de l’eau. Malgré la violence du courant, le cours de l’eau semble incertain. Il y a des contre-courants, d’étranges vortex, et des retours en arrière, qu’accusent les îlots d’herbe entraînés. Ces îlots sont parfois énormes ; les colons s’amusent à les appeler des « concessions portugaises ». On nous a dit et répété que cette remontée du Congo, interminable, était indiciblement monotone. Nous mettrons un pointd’honneur à ne pas le reconnaître. Nous avons tout à apprendre et
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